Honoré Spitallier de Seillans

Philippe Brindet
5 février 2011

Présentation de Honoré Spitallier de Seillans

Nous ne disposons pas d'information sur son enfance. Le nom est parfois ortographié "Spitalier".

Il existe une famille noble dans la région de Nice qui portait le nom de Spitailler à la fin du XVIII° siècle. Un "SPITALIER Jacques-Antoine" est cité dans la biographie de Manuel du Dictionnaire Révolutionnaire (trouvé sur un site de généalogie)

Nous trouvons une trace d'un ouvrage de l'Abbé J.J.M. Feraud : Fondation du collège de Barcelonnette par Messire Honoré Spitalier..., (Bulletin de la Société scientifique et littéraire t. Il, p. 275.) Un article sur l'abbé Féraud sur Wikipedia confirme la référence.

Entre Grasse et Draguignan, dans le Var, il existe un village de Seillans. Selon Wikipedia, le village comporte aujourd'hui un chateau datant au moins du XI° siècle etr qui fut occupé par les moines de l'Abbaye de Saint Victor. Pas de mention de Spitallier.

Par contre, on a trouvé un document aux Archives Nationales, concernant un "Spitalier de Seillans, Jacques Michel, notaire du domaine à la Martinique 1785/1786". Le document est une sorte de mémoire concernant une plainte du Notaire Spitailler contre l'administration du domaine en Martinique. On note que le document qualifie de Cupidité l'attitude du "Sieur de Spitalier". Le document se termine par le retrait de la commission de notaire du Sieur de Spitalier. et par la lettre de plainte de Spitalier. Il écrit son courrier en Septembre 1783 de Saint Pierre de la Martinique. Il est des plus probables qu'il s'agisse d'un membre de la famille de l'Honoré Spitallier de Seillans qui nous occupe ici.

On note à la même époque, un comte de Cessole près de Nice qui était Honoré-François Spitalier, qui acheta le titre du Comtat de Cessole en 1775 (voir http://nicehistorique.org/vwr/?nav=Index&document=1728# : Numéro - 88 de l'année 1987 de la revue de l'Académie Niçoise).

L'histoire de Spitallier

Selon certains (Paris), au début de la Révolution, il aurait été Supérieur de l'Oratoire d'Arras. Selon d'autres sources (Chavanon), il était préfet des études du Collège d'Arras, Ces deux titres ne sont pas incompatibles.

Le collège d'Arras était dirigé par les Oratoriens depuis 1777; le père Frigard en était supérieur et le Père Spitalier du Seillans, préfet des études ; neuf pro- fesseurs enseignaient depuis la septième jusqu'à la philosophie inclusivement et le pensionnat occupait trois autres maîtres. Parmi ces professeurs, il y avait un professeur de physique, un professeur de logique et un professeur de rhétorique. Sous le patronage de l'évêque, les oratoriens avaient établi une académie pour les élèves de philosophie, de rhétorique et de seconde; Joseph Le Bon, le futur conventionnel, fit partie de l'Académie de rhétorique et composa en 1781 une pièce de poésie en l'honneur de la naissance du Dauphin. Le nombre des élèves était assez considérable, mais la situation financière du collège se trouvait très obérée et les Oratoriens durent en 1781 contracter un emprunt de 40.000 livres.
Source : page 171, 172 in Chavagnon, op. cité

Dans une étude de l'Université de Lille publiée sur Internet, nous trouvons ce texte :

... ; cet intérêt nouveau pour l’histoire peut aussi avoir été suscité parla présence à l’Académie de professeurs du collège dont on sait que les programmes d’enseignement s’étaient ouverts à cette discipline 392 lors de leur arrivée en 1762 et que les Oratoriens lui donnèrent une place accrue 393 quant ils succédèrent aux prêtres séculiers.

Ces derniers, puis les Oratoriens, abordèrent-ils l’histoire de la province ? Leurs programmes ne la mentionnent pas. Mais ils contribuèrent à valoriser une discipline jusque là négligée, surtout celle qui portait sur l’étude de la France de leur époque. Quant à l’intérêt pour la physique, plusieurs des régents de l’Oratoire étaient aussi membres résidants de la Société savante d’Arras. Parmi eux, le père Spitallier de Seillans qui fut successivement professeur de logique en 1781, de physique en 1782, puis préfet des études à partir de 1783, mais aussi le père De Las, professeur de « philosophie » dont nous reparlerons par la suite, et Fouché de Rouzerol, professeur de physique.


Source : Gilbert Dalmasso, Thèse
. On note la présence au Collège des Oratoriens d'Arras du Fouché, bourreau de Lyon et maître de la police de Thermidor à la Restauration. Fouché est ici désigné avec son titre nobiliaire de Rouzerol. Le texte permet de conjecturer que Le Bon, qui écrivait une pièce en vers à l'anniversaire du Dauphin la même année que Spitallier était professeur de logique dans le même Collège d'Arras, a connu Spitallier à cette époque.

Dans un ouvrage en ligne par Achille Ricker et Jean-André Faucher, Histoire de la franc-maçonnerie en France, on trouve une liste de prêtres franc-maçons à la veille de la Révolution, établie par un R.P. Berthelot, qui contient la référence suivante :

Spitalier de Seillans, prêtre de l'Oratoire pour l'Orient d'Arras; (p.183)

Dans un autre ouvrage, on trouve le petit texte suivant :

Les petites cartes particulières des bailliages d'Artois, de Desnos, pas plus que celles des diocèses d'Arras et de Saint-Omer, qu'un père de l'Oratoire, Spitalier de Seillans, dédia à l'évéque d'Arras, Mgr de Conzié, et à celui de Saint-Omer, Mgr de Bruyères-Chalabre, ne purent rivaliser avec cette dernière, qui, jusqu'à la confection de la carte de l'état-major, en 1811, a figuré dans la sacoche de nos officiers comme dans les bureaux de toutes nos anciennes adminis trations.
Source : BULLETIN DE GÉOGRAPHIE HISTORIQUE ET DESCRIPTIVE - ANNÉE 1905 - PARIS, IMPRIMERIE NATIONALE, page 45
qui montre assez que le RP Spitallier était un homme plein de ressources et qui faisiat de son mieux pour être très apprécié du haut clergé.

Dans un autre publication, la cartographie du Père Spitallier est bien reconnue :

534. Carte du diocèse de Saint-Omer dédiée à Monseigneur de Bruyères-Chalabre, Evêque de Saint-Omer, premier aumônier de Monseigneur le Comte d'Artois, etc., par Spitallier de Seillans, prêtre de l'oratoire, présenté à Monseigneur l'Evêque de Saint-Omer par M. l'abbé Mevolhon, chanoine de la cathédrale et préfet du sé minaire Episcopal. Pièce gravée in-folio s. 1. n. d. En marge se trouvent les noms des Evêques de Thérouane et de Saint-Omer. Ce curieux document a été reproduit de nos jours. Pièce in-4o. Arras. Desavary, lith.
Source ; "Bibliographie historique de l'arrondissement de Saint-Omer"

Cependant, dans un autre ouvrage, on trouve une autre référence à cette carte :

L'abbé de Mévolhon était président du séminaire épiscopal de Saint-Omer. C'est par ses soins que fut dressée et gravée la belle carte du diocèse de Saint-Omer qu'il dédia au dernier évêque Monseigneur de Bruyère Chalabre.
Source : Société des Antiquaires de la Morinie, Bull. Histor.n 161° Livraison, Tome IX, Année 1892 - 1° Fascicule ; Note page 22.
Il n'est plus fait référence au RP Spitallier, ce qui ne signifie pas qu'il ne fut pas l'auteur de la carte offerte par de Mévolhon.

Selon une source, Spitallier était secrétaire du troisième bureau d'élection de l'évêque constitutionnel, élection organisée dans l'église desservie par Porion qui fut finalement élu.

"Ainsi préparés et l'opinion publique avec eux, au rôle qu'ils allaient remplir, quatre cent quatre-vingt- dix-sept citoyens se réunirent à Arras, le 26 mars. L'église Saint-Nicolas-sur-les-Fossés fut choisie pour siège électoral, « attendu, dit le procès-verbal, l'insa- lubrité de la cathédrale », et l'opération commença le 27 mars, à l'issue de la messe paroissiale qui fut célé brée par le curé Porion. Les électeurs avaient été partagés en quatre bureaux, ayant chacun son prési dent et son secrétaire : MM. Rose et Du Biez pour le premier bureau; Dupire et Deladerrière pour le second; Demory et Spitalier pour le troisième; Dupont et Bras sier pour le quatrième. Le président général était Carnot de Feulint. "

Claude-Marie Carnot de Feulint est le frère de Lazare Carnot. Ils étaient tous les deux députés du département du Nord. Ils faisaient tous deux partie de la bande de Robespierre, président en 1787 de la Société des Rosati à Arras, dont les frères Carnot étaient membres.

Spitailler fut appelé Vicaire épiscopal par Pierre-Joseph Porion, ex-Oratorien, évêque constitutionnel d'Arras, le 16 avril 1791.

Il participe en même temps à la fondation de la Société des Amis de la Constitution à Arras le 19 avril 1791, dont il devient le premier Président.

Peu après, Spitallier transmet à Le Bon, alors en résidence à Ciel et déjà pourvu d'une cure dans le Nivernais, vers le 4 juin 1791 une lettre du Président de l'assemblée électorale du district d'Arras nommant Joseph Le Bon curé de Neuville-Vitasse. Quand Le Bon revient à Arras, Spitallier accompagne Le Bon au chevet de sa mère devenue folle en apprenant que son fils avait prêté le serment constitutionnel.

Lette XVI
A MM. les amis de la Constitution, à Beaune,département de là Côte-d'Or.
Neuville - Vitasse, près Arras, le 25 juillet de l'an III du la Révolution.

Frères et amis,

Les épreuves par lesquelles la Providence m'avait .. le P. Spitallier, Supérieur de l'Oratoire, m'accompagne ; nous nous sommes partagé les rôles que nous devons jouer; en moins d'un quart d'heure, la joie peut succéder à la tristesse, et mes parents sont dans l'expectative la plus inquiétante. Vaine et inutile démarche ! les fureurs de ma mère, loin de diminuer, augmentent de jour en jour; elle est tout-à-fait inabordable. Lorsqu'elle était encore chez nous, elle brisait tout ce qu'elle rencontrait sous sa main , ruinait, dévastait la maison, et attentait à sa propre vie ainsi qu'à celle de ses enfants; aujourd'hui , elle joint .à ses transports frénétiques des cris perçants et lugubres qui remplissent tout le voisinage. Le ciel nous ... "
Dans cette lettre, on relève toute la complexité de la situation. Le Bon écrit depuis Arras, une lettre aux "Amis de la Constitution", un club révolutionnaire de Beaune. Il décrit ses liens amicaux avec un responsable de l'Oratoire d'Arras alos qu'il a été exclu de l'Oratoire de Beaune.

On note que Le Bon avait été présenté à l'élection de la cure de Neuville sans qu'il le sache probablement par Porion ou d'autres amis de l'Ordre de l'Oratoire. Le fait est particulièrement suggestif sur l'état divisé de l'Oratoire que Le Bon était en conflit ouvert avec les cadres de l'Oratoire de Beaune. Ecarté par les membres de l'Oratoire à Beaune, il est soutenu et promu par ceux d'Arras. On note avec Chavagnon que le clergé constitutionnel du Pas-de-Calais manquait de personnel pour prendre les cures au clergé qui refusait de prêter le serment civique.

Spitailler participe de toutes ses forces à l'application de la Constitution civile du Clergé.

Il fallut arrêter cette fièvre d'acquisitions, qui pou- vait avoir ses avantages et même ses délicatesses, mais qui dépassait véritablement la mesure. Entrainés, du reste, par l'exemple de ceux qu'ils s'étaient donnés pour chefs dans les administrations, entraînés encore par les nombreuses publications de la Société des Amis de la Constitution d'Arras, où Norman, Dubois de Fosseux, Spitalier de Seillans lui-même, s'étaient efforcés de leur persuader que ces acquisitions étaient de tout point légitimes, entrainés surtout par ce senti- ment, trop naturel à l'homme, qui le pousse à s'enri- chir, les particuliers commencèrent à avancer, de tous côtés, les mains vers cette proie facile et riche qui s'offrait à eux sous le nom peu compromettant de domaines nationaux.

Un Avis, signé de H. Spitalier de Seillans, prêtre de l'Oratoire, président, et de Norman, secrétaire, essayant de légitimer le décret de l'Assemblée, assure même qu'il a été surtout fait en faveur du clergé ; il garantit la solidité des ventes en les appuyant sur la parole des représentants, celle du roi, et les serments solennels de trois millions de gardes nationales, aussi bien que des troupes de ligne, l'intérêt des créanciers de l'État, l'impossibilité d'une contre-révolution. Seuls les ecclésiastiques avides et les hommes intéressés au maintien des abus réclament contre cette vente nécessaire autant que légitime. Il termine par un appel pressant aux cultivateurs et aux artisans des villes et montre que la vente des biens nationaux fera cesser immédiatement les abus qui empoisonnent toutes les sources de la prospérité publique.

Deux adjudicataires ou fondés de pouvoirs, dans chaque district, furent nommés par l'administration centrale pour rendre une partie de la nation complice de cette immense rapine : la vente s'accomplit, il faut le dire pourtant, sans que l'immense majorité des catholiques y prit part.

Source : pp. 56, 57, Deramecourt, op. cité
Spitallier a donc été élu président de la Société des Amis de la Constitution dans le but de défendre la suppression du clergé par la spoliation des biens qui assuraient sa conservation. Il travaille avec une grande fidélité selon son mandat.

Spitailler signe avec Porion et Robespierre jeune une pétition le 3 septembre 1791 demandant la fermeture des oratoires dans les couvents d'hommes à Arras et l'éloignement des prêtres insermentés d'Arras. Déboutés par le District, ils réitèrent leur pétition et n'obtiennent rien qu'un arrêté du 17 septembre 1791 consacrant la liberté des cultes. Il est particulièrement remarquable de noter que les menées les plus anti-religieuses ont été promues et soutenues par des membres du clergé constitutionnel.

Spitallier réorganise le Séminaire constitutionnel d'Arras

Dans le courant de septembre, MM. Spitalier et Balland, chargés d'organiser le nouveau Séminaire constitutionnel, demandèrent une subvention annuelle de 8,000 livres. Ils observèrent à ce sujet qu'il fallait au Séminaire un vicaire épiscopal supérieur et trois vicaires épiscopaux directeurs, soit une somme de 4,000 livres; six domestiques à 400 livres par tête et une somme évaluée à 1,600 livres pour sacristie, lingerie, infirmerie, ports de lettres et frais imprévus : soit un total de 8,000 livres, sauf à voir, après une année d'expérience, si cette évaluation serait au-dessus ou au-dessous de la dépense.

Le département délibéra le 1er octobre sur cette proposition, fixa la pension des élèves à 300 livres, vota 2,400 livres pour les quatre maîtres, autant pour les six domestiques et 1,200 livres pour les autres frais, en tout une somme de 6,000 livres.

Quelques jours plus tard, le 9 octobre, le conseil épiscopal nomma M. Dupont supérieur et économe du Séminaire : on lui adjoignit successivement, pour directeurs, Dominique Bauduin, de l'Oratoire, Jean-Baptiste Cache, et Pierre Bautier.

La rentrée s'était faite seulement avec douze élèves, mais bientôt, telle fut la facilité accordée par l'administration nouvelle pour l'admission des candidats et telle la rapidité avec laquelle on leur fit monter les degrés des saints ordres, que les nouveaux vicaires se multiplièrent quand même d'une manière étonnante.

Source : Deramecourt, p. 198, op. cité

La fin de Spitallier

Nous ignorons quel fut son destin à partir de Septembre 1791 et lors de la Terreur.

Cependant, selon H. Piers, un M. Spitallier fut chargé de participer au triage des livres destinés à la bibliothèque le 1er mars 1794 avec un certain M. Boubers. H. Piers note que ultérieurement; ce Spitallier fut nommé professeur d'Histoire à l'école centrale de Boulogne vers le 1er janvier 1799. Ce serait la dernière trace de Spitallier.

Sources :

  • A.-J. Paris,, La Terreur dans le Pas-de-Calais et dans le Nord. Histoire de Joseph Le Bon et des tribunaux révolutionnaires d'Arras et de Cambrai, , Rousseau-Leroy (Arras)-1864 (N5614872_PDF_1_-1DM.pdf). pp. 7, 18.
  • Jules Chavanon, Georges Saint-Yves, Le Pas-de-Calais de 1800 à 1810: étude sur le système administratif institué par Napoléon Ier, A. Picard et fils (1907)http://www.archive.org/stream/lepasdecalaisde00saingoog/lepasdecalaisde00saingoog_djvu.txt
  • Quelques lettres de Joseph Le Bon, antérieures à sa carrière politique (1788-1791), publiées par son fils, Émile Lebon,... pour faire suite aux "Lettres de Joseph Lebon à sa femme..." ; impr. de J. Dejussieu (Chalon-sur-Saône)-1853 (N5725061_PDF_1_-1DM.pdf)
  • Augustin Victor Deramecourt, Le clergé du diocèse d'Arras, Boulogne et Saint-Omer pendant la Révolution (1789-1802) p. 154, http://www.archive.org/details/leclergdudiocse00deragoog
  • H. Piers, Notice historique sur la bibliothèque publique de la ville de St. Omer, e&édité par Libert-Petitot, 1840. Référence interne : Notice_bibliothèque_StOmer.pdf. p.19