Le mouvement initié par Mgr Schneider

Philippe Brindet - 19 août 2017

Quatre articles ...

Dans les trente derniers jours est paru un article d'un évêque allemand, Mgr Athanasius Schneider, qui depuis quelques temps prend avec le Cardinal Burke, le cardinal Sarah et quelques autres la menée d'une lutte contre l'erreur dans l'Eglise catholique romaine. Cet article est peut être le plus critique de ceux qui sont déjà parus, parce qu'il pousse à une critique radicale du Concile. Il a fait réagir plusieurs intervenants du monde plutôt traditionel allant des lefebvristes aux anciens soutiens de Benoît XVI.

  1. MGR SCHNEIDER A - l’interpretazione del Concilio Vaticano II e la sua relazione con l’attuale crisi della Chiesa (260717).html
    La crise actuelle est comparée à celle de l'arianisme au IV° siècle. Le Concile Vatican II est légitime et doit être vu comme pastoral et non dogmatique, c'est-à-dire que la plupart de ces Constitutions doivent être revues, clarifiées. Mais le débat doit trouver la sérénité. Mgr Scheider identifie quatre points précieux dans Vatican II :
    1. L'appel universel à la sainteté ;
    2. le rôle central de la Vierge Marie ;
    3. l'importance des laïcs ; et
    4. la primauté de l'adoration de Dieu.
    Le reste est secondaire, temporaire, peut-être oubliable.
  2. RP CITATI A - commentaire du texte de Mgr Schneider sur le Concile Vtaican II (050817).html
    Le P. Citati (FSSPX) relève que la position de Mgr Schneider sur le Concile est proche de celle de Mgr Lefebvre sur l'interprétation du Concile au moyen de la tradition : acceptation pour ce qui dans le Concile est conforme à la Tradition, rejet du reste. L'article de Mgr Schneider révèle son accord avec l'opinion lefebvriste qu'il existe des propositions erronnées : oecuménisme, collégialité, liberté religieuse, relations avec le monde moderne.
  3. DE MATTEI R - Il Concilio Vaticano II e il messaggio di Fatima (020817).html
    Le Pr De Mattei conteste la position du P. Citati en ce que le Concile se présente comme un bloc dans lequel il n'est pas possible de découper ce qui ne serait pas selon la Tradition. Et la raison est que le Concile est une révolution. Et si le jugement théologique peut être nuancé, le jugement historique est sans appel : plus qu'une défaillance, le Concile est une catastrophe.
  4. RP SCALESE G - Concile et Histoire (110817).html
    Le P. Scalese entend chacun, mais note quatre erreurs chez De Mattei :
    1. Le Concile n'est pas la cause de la crise qui existait avant lui.
    2. Le Concile ne se réduit pas à une lutte entre deux factions moderniste est conservatrice.
    3. Il faut voir les deux "Conciles" identifiés par Benoît XVI : celui des Pères et celui des média.
    4. Le Concile ne peut être condamné pour les seules catastrophes évidentes qui l'ont suivi mais il doit être défendu pour l'action positive et post-concilaire de l'Eglise.

... initient-ils un mouvement ?

Il existe un article qui devrait être mieux connu : celui du Cardinal Kasper, paru le 12 avril 2013 dans l'Osservatore Romano et intitulé "Un concilio ancora in cammino". (sur le Web + en local).

Le cardinal Kasper explique, parlant de Jean XXIII :

Volle cogliere le richieste dei movimenti di rinnovamento biblico, liturgico, patristico, pastorale ed ecumenico, sorti tra le due guerre mondiali; cominciare una nuova pagina della storia con l'ebraismo, carica di gravami, ed entrare in dialogo con la cultura moderna. Il a voulu prendre les demandes des mouvements de renouveau biblique, liturgique, patristique, pastoral et œcuménique qui avaient surgi entre les deux guerres mondiales, commencer une nouvelle page de l'histoire avec le judaïsme, chose gravissime, et entrer en dialogue avec la culture moderne.
Fu il progetto di una modernizzazione che non voleva e neanche poteva essere modernismo. C'était le projet de modernisation qui ne voulait pas et ne pouvait pas être du modernisme.
Una minoranza influente oppose resistenza pervicace a questo tentativo della maggioranza. Une minorité influente a résisté obstinément à cette tentative de la majorité.
Il successore di Giovanni XXIII, Papa Paolo VI, era fondamentalmente dalla parte della maggioranza, ma cercò di coinvolgere la minoranza e, in linea con l'antica tradizione conciliare, di raggiungere un'approvazione, per quanto possibile all'unanimità, dei documenti conciliari, che in totale furono sedici. Le successeur du pape Jean XXIII, le Pape Paul VI, était essentiellement du côté de la majorité, mais il a essayé d'impliquer les minorités et, en accord avec la tradition antique du Concile, d'obtenir son approbation autant que possible à l'unanimité, sur les documents du Concile, au total seize.
Ci riuscì; ma si pagò un prezzo. Il a réussi, mais il a payé un prix.
In molti punti, si dovettero trovare formule di compromesso, in cui, spesso, le posizioni della maggioranza si trovano immediatamente accanto a quelle della minoranza, pensate per delimitarle. Dans de nombreux endroits, ils ont dû trouver des formules de compromis, dans lequel, souvent, les positions de la majorité sont situés juste à côté de ceux de la minorité, conçu pour les délimiter.
Così, i testi conciliari hanno in sé un enorme potenziale conflittuale; aprono la porta a una ricezione selettiva nell'una o nell'altra direzione. Ainsi, les textes conciliaires eux-mêmes ont un énorme potentiel de conflit, ouvrant la porte à une réception sélective dans les deux sens.

Une réception sélective dans les deux sens ?

A notre évaluation, voila qui interdit le débat serein envisagé par Mgr Schneider. Il est clair que le Concile est une catastrophe théologique et historique. Et il est absolument impossible de croire un instant à un réglement pacifique. Il faudra du courage et de l'énergie qui passera par un schisme qui existe de fait aujourd'hui et qui exigera un condamnation de l'erreur relevée tant par Mgr Lefebvre que par Mgr Schneider.

Dans cet article, on trouve entièrement exprimée l'une des opinions du P Scalese :

Ancora oggi, alcuni critici considerano il Vaticano II, nel contesto della storia della Chiesa, come una sciagura e come la maggiore calamità in tempi recenti. Même aujourd'hui, certains critiques considèrent le Concile Vatican II, dans le contexte de l'histoire de l'Eglise, comme un désastre et comme la plus grande catastrophe dans ces derniers temps.
Ma rappresenta un cortocircuito ritenere che tutto quel che avvenne dopo il concilio sia accaduto anche a causa del concilio. Mais ce serait un raccourci de croire que tout ce qui s'est passé depuis le concile s'est passé en partie à cause du concile.
I critici misconoscono i trend di lungo respiro che agirono già prima del concilio e che conobbero una notevole accelerazione nei rivolgimenti sociali connessi con la protesta dei giovani e degli studenti nel 1968. Les critiques ne reconnaissent pas la tendance à long terme qui a agi avant le Concile, et a connu une accélération significative dans le bouleversement social associé à la protestation de la jeunesse et des étudiants en 1968.

De fait, comme le sous-entend Kasper lui-même, une lecture suivie des Constitutions concilaires montre que la lettre du Concile est parfaitement inexploitable. Si on veut "filtrer" comme semblent le souhaiter Mgr Lefebvre et ses successeurs, et Mgr Schneider, le texte du Concile pour en recueillir ce qui est "conforme à la Tradition", on va simplement recueillir ce qui a permis d'emporter les votes de la minorité traditionaliste. C'est-à-dire, un ensemble de propositions qui ne sera pas sans intérêt mais que l'on retrouvera dans la Tradition.

Quant aux progressistes, ils filtrent déjà dans le texte du Concile ce qui remonte à la Tradition, dont ils savent qu'elle n'a aucune espèce d'importance et s'en tiennent à la partie du texte privé des clausules concédées aux traditionalistes. Ce texte "reconstruit" promeut une Eglise révolutionnaire qui s'est depuis détachée d'une Eglise d'Ancien Régime, cet Ancien Régime antérieur à Jean XXIII comme cet autre Ancien Régime qui suivit Louis XVI..

Il n'y a jamais eu aucun "esprit du Concile", formule inventée par certains conservateurs qui fulminaient contre les dérives ecclésiastiques. Au contraire, la catastrophe est entièrement contenue dans le mouvement que l'on peut identifier dans les textes du Concile et dans son histoire scandaleuse, faite de manoeuvres et de tromperies qui vicient à la source, dans l'oeuf la prétendue rénovation de l'Eglise.

Ainsi pour nous, l'opinion du P Salese conduit à une impasse, parce qu'il ne tient pas compte de l'expérience de Kasper que ce dernier livre au public avec une étonnante candeur dans son article de 2013. Cette candeur montre combien l'élection de Bergoglio correspondait parfaitement aux combinaisons de la minorité progressiste à laquelle appartient le cardinal Kasper et qui était parvenue à éliminer Benoît XVI en l'obligeant à la résignation.

Parce que les révélations de Kasper sur la méthode de "fabrication" du Concile ruinent la vision généreuse d'une herméneutique de la continuité de Benoît XVI. Le texte concilaire contient les atteintes à la Tradition en même temps que la répétition de certains aspects de cette Tradition, répétition concédée à la minorité conservatrice lors du Concile ainsi que nous l'apprend Kasper.

Mais l'opinion de Mgr Schneider est tout aussi condamnée à l'échec ou à l'impuissance, de même que celle de Mgr Lefebvre, représentée par le P. Citati et en fait approuvé par le Pr De Mattei.

La raison en est simple. Il n'y aura - dans l'Eglise pas plus que dans n'importe quelle société politique - aucun retour à un Ancien Régime pour la simple raison que le peuple chrétien a disparu. Ce que Mgr Lefebvre et possiblement Mgr Schneider tiennent pour la Tradition a été incapable de résister à l'agression progressiste opérée au Concile. Il faut un nouveau peuple, animé par des saints exceptionnels qui débarrassent la Foi des pesants fardeaux que la Tradition, à l'image des pharisiens condamnés par Jésus, impose aux chrétiens.

Il y aura des luttes terribles avec l'élimination de nombreux individus qui se pensent chrétiens parce qu'ils se sont composés un dieu et une religion à leur image et dans laquelle ils sont "biens". Il est clair que l'Eglise ne dispose plus du lien avec le pouvoir séculier. Elle va donc devoir se débrouiller seule alors que sa partie hiérarchique est aujourd'hui occupée par la minorité progressiste qu'il s'agit d'éliminer.

Il va donc falloir tenir la Foi sans cette Eglise hiérarchique, composée de prêtres et d'évêques, et sans le recours traditionnel aux sacrements.

Mais nous ne craignons rien. N'est-ce pas le mouvement initié par Mgr Scheider ?


Revue THOMAS (c) 2017