Quelques réflexions sur le catholicisme politique contemporain

Quelques réflexions sur le catholicisme politique contemporain

Philippe Brindet - 23 janvier 2014

Une pétition de "jeunes catholiques"

Le Figaro sous la plume de Delphine de Mallevoüe et dans un article intitulé La «supplique au pape» de jeunes catholiques français sera remise au Saint Père nous apprend que plus de 100.000 personnes ont signé une pétition adressée depuis au Saint-Père. La pétition tend à l'informer des menées du gouvernement français en différents domaines et qui se heurtent aux prescriptions morales de l'Eglise catholique romaine.

Cette pétition est remise au Pape François à la veille de la visite au Vatican du Président de la République française, très contesté dans les rangs des catholiques romains. Cette pétition s'inscrit aussi dans le mouvement mondial d'approbation de la personnalité planétaire du Pape François et participe à lui donner un poids lors de discussions avec des dirigeants politiques dont l'immense majorité sont animés par des motivations souvent explicitement anti-catholiques. On peut dire ainsi que cette pétition est un assez joli coup médiatique dans la mesure où il renforce deux partis et en affaiblit un troisième.

François Hollande se moque comme d'une guigne de la personnalité du Pape François.Ses "peines de coeur" au sujet des "avancées progressistes" du hollandisme le font sourire de contentement. Et en cette période où le président Normal affronte lui-même une tempête dans sa vie privée publique, exprimer son mépris à un homme d'Eglise lui sera un sensible réconfort. D'autant qu'une fraction non négligeable de la population française reste stupéfaite de la réputation planétaire du Pape François et on peut compter sur Hollande pour jouer gagnant entre les anticléricaux et les chrétiens de gauche.

Toujours est-il que l'un des mystères de l'ère républicaine demeure l'inépuisable capacité des catholiques romains à soutenir les menées progressistes tout en conservant un discours catholique romain. Ce paradoxe est cultivé jusque dans la hérarchie ecclésiastique avec une science souvent confondante. La pétition marquant clairement les menées progressistes contestées est assurément de nature à mettre un malaise certain dans un jeu ancien. Cela durera t'il ?

Le mouvement de rebellion contre les menées progressistes

C'est très clairement la loi Taubira d'égalité d'accès au mariage civil qui a joué le rôle de moteur à l'apparition d'une contestation catholique d'une ampleur dont il n'y a qu'un exemple. Celui de la lutte contre le service public unifié d'éducation nationale. Dans les années 80, le progressisme pensait que la séparation entre un enseignement privé et une éducation nationale, contrôlée par la République, était une atteinte "aux valeurs de la République". En sens contraire, les catholiques pensaient que la nationalisation des écoles catholiques étaient une atteinte à la liberté de religion, une atteinte au droit d'éduquer son enfant selon son goût et autres choses du même genre.

Les catholiques sont encore aujourd'hui absolument convaincus d'avoir triomphé. En effet, il existe encore des écoles catholiques. Mais lorsque l'on pousse leurs portes, on découvre que seules les rares écoles hors contrat présentent une spécificité catholique, souvent traditionaliste d'ailleurs. A l'inverse, l'engagement furieusement progressiste des écoles sous contrat a fait fuir pratiquement toute référence au catholicisme. Certaines de ces écoles sous contrat se distinguent par la présence de musulmans pas du tout effrayés par un catholicisme muet ou encore par des élèves dont les parents les fait échapper à la médiocrité incroyable d'un nombre étonnant d'établissements publics, ainsi que le révèlent les enquêtes de niveau d'éducation, même internationales. Les autres appliquent avec discipline les "programmes" progressistes de la République en se cachant derrière de fumeux "projets pédagogiques propres" dont la viduité n'a d'égale que la soumission aux canons progressistes.

En 1984, la contestation du service unifié ne s'était pas étendue à d'autres menées progressistes. En 2014, la mobilisation homophobe a été encore plus "physiologique" et elle s'est étendue à d'autres menées comme l'IVG, la PMA, l'adoption, l'euthanasie, et celà conjugué avec une exaspération fiscale conjuguée à de réelles difficultés économiques. Si

Les conditions d'une révolte "catholique"

Mais, il faut reconnaître que la lutte contre la loi Savary de 1984 n'a pas entraînée le même public que celle contre la loi Taubira. En effet, si les parents d'élèves se sont mobilisés en 1984, le troisième âge et la "jeunesse" sont restés en dehors du mouvement.Or, en trente ans, la population a vieilli et les parents d'élève de 1984 sont de "grands vieillards". Et la lutte contre la loi Taubira a vu à la fois des jeunes, des parents et des vieux défiler ensemble et ces défilés recevoir des échos différents dans les trois classes d'âge.

En 1984, le socialisme était affublé des oripeaux de la "pureté" républicaine. En 2014, le socialisme c'est l'affaire DSK, celle de la MNEF et de URBA. Le socialisme, c'est l'affaire des amours du président normal. C'est aussi un marasme économique d'une gravité incomparable avec celui de 1984.

La situation économique est dramatique dans de nombreuses couches de la population. Elle exaspère le ressentiment contre un pouvoir socialiste qui n'écoute aucune des aspirations du substrat souvent "inconscient" du catholicisme traditionnel. D'aileurs, le ressentiment de la situation économique dont le socialisme est tenu largement pour responsable - et on sait qu'à la Revue THOMAS, nous y associons le sarkozysme et le chiraquisme précédents - dont le$ chômage n'est qu'une fraction.

La généralisation des petits boulots, le blocage de l'emploi des jeunes, la raréfaction des contrats à durée indéterminée, la multiplication des "stages", tout celà a induit une exaspération qui se manifeste aussi bien chez de jeunes gens de 25 ans contraints de vivre chez leur mère ou d'hommes mûrs contraints de retourner vivre chez leurs parents. Parce qu'ils n'ont plus de quoi subvenir à leurs besoins.

Par ailleurs, si l'immense majorité des manifestants contre la loi Savary étaient catholiques, ceux contre la loi Taubira n'étaient pas tous catholiques. Certains étaient mêmes homosexuels et beaucoup étaient à la fois socialistes et progressistes. Parce que l'idée de marier deux personnes de même sexe révulse beaucoup de gens. Problème du "genrisme" ? Voire.

Si indubitablement les catholiques ont des motifs de rebellion ou de contestation plus nombreux en 2014 qu'en 1984, ces motifs sont souvent partagés par de non-catholiques et sont exprimés sous un climat d'exaspération contre le gouvernement provoqué par la fiscalité et les conditions économiques qui frappent aussi les non-catholiques.

Ces considérations nous poussent à penser qu'une "révolte catholique" est hautement improbable. L'Histoire s'y oppose. Mais, une convergence avec une exaspération générale ferait s'allier des catholiques militants avec d'autres mécontents.

Les partis politiques restent sourds

Une chose est notable : aucun parti politique, si on écarte quelques groupsucules souvent honnis même des catholiques, aucun parti politique semble mobilisé dans la révolte. Autour des manifestations "catholiques" quelques députés dits de "droite" et souvent revendiquant une appartenance au catholicisme, se sont joints aux manifestations. Ils sont peu nombreux. Moins de trente. Même le Front National dont l'exaspération contre le système est intacte, a regardé avec une grande méfiance l'agitation contre la loi Taubira alors même que la personnalité de Madame Taubira était l'objet de toutes ses préventions.

Dans l'expression de la fronde fiscale en Bretagne, le mouvement des Bonnets Rouges n'a semble t'il été rejoint par aucun parti politique. La contestation catholique a tenté de l'attirer ou de le rejoindre sans aucun succès et le mouvement des Bonnets Rouges est aujourd'hui en sommeil. Le Front de gauche et ses partis satellite semblent sans intérêt et expriment même leur mépris à l'égard de la révolte contre le jacobinisme du hollandisme.

Les liens du mouvement catholique avec les politiciens de droite ou de gauche sont anciens. De nombreux députés de droite sont issus de milieux catholiques. Par ailleurs le soutien du clergé au mouvement progressiste est absolument sans faille depuis l'époque de la guerre d'Algérie. Et, de nombreuses "personnalités" hollandistes sont issus des chrétiens progressistes. Enfin, la "nouvelle" droite qui se crée avec le Front National n'a que des liens extrêmement méfiants avec le catholicisme et il s'agit de l'intégrisme tout à fait marginal.

Rien ne transparaît de la volonté de fonder un nouveau parti politique, ni même d'en "rénover" un ancien. De ce côté, pour autant qu'il ait été une initiative du catholicisme, le mouvement de Christine Boutin aura été une vraie déception. Incapable de rénover ou de refonder l'UMP, le mouvement a échoué à constituer un Parti politique digne des sujets qui l'animaient. Dans une large mesure, l'échec de Philippe de Villiers est de même nature.

Une raison à cet immobilisme se trouverait dans la perte intégrale des valeurs catholiques. Non seulement, elles ne sont plus pratiquées - la moitié des manifestants contre la Loi Taubira ira au mariage du cousin Fred - mais elles sont ignorées. Considérant qu'il s'agissait d'une atteinte fondamentale au catholicisme, les opposants se sont bornés à invoquer une loi naturelle "supérieure" à la loi civile. Sincèrement, il n'est nul besoin du catholicisme, surtout quand le Pape François réclame la restauration d'une Eglise plus "inclusive".


Revue THOMAS (c) 2014