Un nouvel Ordinaire de la Messe de langue anglaise aux Etats-UnisPhilippe Brindet - 28 Octobre 2011La Presse veut susciter une nouvelle querelle liturgiquePar un article paru le 28 octobre 2011 dans les colonnes du Washington Post, la journaliste religieuse Michelle Boorstein annonce par son titre : "Catholics’ Mass liturgy changing; ‘ritual whiplash’ ahead?" que l'Eglise catholique est en train de se faire un "coup du lapin rituel" avec une nouvelle traduction liturgique de l'Ordinaire de la Messe, obligatoire dans tous les diocèses américains à compter du 27 novembre 2011. Le ton de l'article est particulièrement alarmant pour tout lecteur catholique appartenant au mouvement progressiste. Pour les catholiques non engagés et fidèles de la Réforme concilaire, l'agitation du spectre d'une nouvelle querelle va sûrement les engager à porter une attention négative sur cette nouvelle réforme. De quoi s'agit-il ? Une nouvelle réforme dans le sens voulu par Jean-Paul II et Benoît XVIJean-Paul II avait annoncé une nouvelle édition du Missel Romain en 2000. Sa troisième édition étant promulguée en 2002, puis corrigée en 2008, les évêques américains ont donc décider d'appliquer cette nouvelle édition. Le mouvement de ré édition est particulèrement bien décrit par Mgr Aymond, en charge de mener cette nouvelle édition de la forme ordinaire dans un article paru sur le site de l'USBC intitulé Now is the Time to Prepare for the Roman Missal, Third Edition. Le texte latin original de la troisième édition du Missale Romanum ne semble pas disposnible au public à l'heure actuelle. Seule sa Présentation Générale est publiée sur le site du Vatican en quelques traductions. On doit cependant indiquer au lecteur la disponibilité d'une version latine sur le site Eucharistie et Miséricorde dont on ignore à quel titre il en détiendrait une édition autorisée. L'application de la Nouvelle Edition du Missel romain aux Etats-Unis s'est fait en lien étroit avec la Congrégation du Vatican en charge de la liturgie. Un comité Vox Clara a été institué. En particulier, ce comité de suivi de la l'aplication de la nouvelle édition du Missel romain a publié un communiqué de presse du 24 juillet 2011 particulièrement clair sur les liens établis entre Rome et les Etats-Unis. La fin du communiqué indique :
La Conférence épiscopale des évêques des Etats-Unis donne ici le nouveau texte US de l'Ordinaire de la Messe. Les premières modifications sont particulièrement impressionnantes :
Il ne s'agit aucunement d'une reprise de l'Ordinaire de la Messe de la forme extraordinaire dont le rite d'introduction et le rite de Pénitence sont très différents de celui de la forme ordinaire. Mais, les modifications apportées par la Conférence épiscopale sont quand même impressionnantes.
Il y a bien entendu de nombreuses corrections qui, toutes, vont dans le même sens. Sans les détailler plus avant ici, on peut donc noter que la réforme liturgique introduite par la Conférence épiscopale des Etats-Unis comporte deux objectifs :
Une réaction progressiste possibleL'article du Washington Post est d'un ton particulièrement négatif à l'encontre de la réforme. On note plusieurs choses assez troublantes qui tendent à montrer le rôle de boute-feu ou de fabricateur d'événements médiatiques d'un certain journalisme. Bien entendu, l'article n'expose aucun des aspects concernant la cause de cette nouvelle liturgie ou sa préparation. Bien entendu, l'article ne fait témoigner aucune personalité ayant participé à cette nouvelle traduction, en fait à cette traduction de la Troisième édition du Missel Romain. Au contraire, l'article du Washington Post ne cite que des réactions de personnes qui ont un avis négatif à l'encontre de la nouvelle traduction. Et toutes ces personnes sont évidemment, par leur phraséologie, le ton de leur critique et de leur réaction épidermique de la sphère progressiste qui a imposé un "esprit du Concile" complètement étanger à son inspiration même. On note que, alertés par des articles négatifs comme celui du Washington Post, un certain nombre de progressistes vont se regrouper pour tenter de faire de l'agitation, de fomenter des troubles dans l'Eglise. Particulièrement, un curé de paroisse interrogé répond en grommelant qu'il n'a pas de temps à perdre avec des questions liturgiques quand il faut lutter contre l'utilisation des drônes. Un autre répond goguenard par une blague de séminariste, au demeurant amusante comme toute blague ("Quelle est la différence entre un terroriste et un liturgiste ? C'est que vous pouvez discuter avec le terroriste"). Bien. Une autre réponse d'un curé américain ne manque pas de sel. Le brave homme s'inquiète de ce que les gens ont depuis leur plus tendre enfance été habitués à l'ancienne formule anglaise du rite de la messe instituée par le Concile. Ils ne vont rien y comprendre d'autant qu'ils connaissent par coeur cette ancienne formule. Le brave curé, faussement apitoyé, voit bien les gens déserter l'Eglise qui se ferait ainsi à elle-méme "le coup du lapin" !... L'évêque du diocèse d'Erié pense même que :
Application de la troisième édition du Missel Romain à d'autres zones linguistiques de l'Eglise catholiqueNous avons trouvé trace d'un travail de traduction dans la sphère francophone (Mgr Le Gall, Présentation de l'Instruction Redemptionis Sacramentum dans la fin de son paragraphe 9) trace datant de 2004 semble t'il sur le site de la Conférence des évêques de France. Le 15 avril 2008, le site de la Conférence des évêques de France publiait un bref communiqué : L'art de célébrer la messe, qui concerne la traduction de la seule introduction du Missel romain de la 3° édition, le reste étant renvoyé à plus tard. Le 2 février 2011, le site de la Conférence des évêques de France publiait un nouveau communiqué : Communiqué final de la Conférence des Evêques de la Région Nord de l'Afrique de janvier 2011 qui comporte à la fin un brevet paragraphe : Visite au monastère de TibhirineOn peut seulement imaginer que la traduction se fait par vote des évêques d'une commission, ce qui n'est pas de nature à confirmer une chose facile. Quant à l'édition publique, il n'y faut pas songer. Le site de la Conférence des évêques de France ne semble pas comporter d'autres informations. Le portail catholique publie un article du 29 septembre 2011, intitulé Lettre pastorale sur le Missel romain révisé et ses normes liturgiques, concernant les catholiques francophones d'Amérique du Nord, Québec notamment. Il est indiqué : Quant aux catholiques de langue française, ils continueront d’utiliser la traduction du Missel romain actuel jusqu’à ce que la nouvelle version française soit disponible. Les évêques du Canada du Secteur français poursuivent d’ailleurs leur travail en ce domaine; il s’agit d’un processus long et intensif qui s’étendra sur quelques années.On peut donc penser que la troisième édition du Missel romain n'est pas prête de voir le jour en langue française. Qu'il suffise de rappeler cet extrait d'un "éditiorial" de l'évêque de Metz datant de 2009 et qui écrivait tout brutalement : Alors que d’aucuns réclament le retour à la messe tridentine, la publication d’une troisième édition typique manifeste clairement que le Missel dit de Paul VI demeure celui de l’Eglise d’Occident et que le maintien du rite tridentin n’est qu’une concession temporaire et limitée à des personnes ou à des groupes particuliers.Il est manifeste que certains en 2009 ne comprenaient pas le sens du Motu Proprio Summorum Pontificum qui datait pourtant déjà de 2007. Ne comprenant pas ce que signifiait l'établissement de la Messe de Paul VI en forme ordinaire du rite romain, ces individus ne semblent pas pressés que la troisième édition du Missel Romain, en passe de paraître en anglais, paraisse bientôt en français. Le problème de la distorsion des traductions avec le latin de la Troisième Edition du Missel RomainSi la sphère anglophone semble avoir réagi plus facilement que la sphère francophone, on voit clairement que l'application de la Troisième Edition du Missel romain posera des problèmes politiques graves. On sent parfaitement chez les progressistes aussi bien anglophones que francophones, une volonté délibérée de ne pas présenter une traduction fidèle à la troisième édition du Missel romain en langue latine, mais au contraire le projet de faire croire qu'il s'agirait d'une initiative locale à la pure discrétion et bénévolat des évêques indigènes. Rien n'est pourtant plus erroné, puisque les traductions devront avoir reçu l'accord du Vatican et qu'elles se fonderaient bien sur l'édition originale latine. Pour montrer l'ampleur de la contestation de la frange progressiste, qu'il suffise de citer cet autre extrait de l'éditorial de l'évêque de Metz, déjà cité : La troisième édition typique latine du Missale Romanum est parue à Rome peu avant Pâques. Est-ce un événement ?Avec un tel point de vue, il est clair que tout sera fait par la frange progressiste pour empêcher toute modification du Missel romain, fut-ce de la 77° édition (sûrement après le prétendu épuisement de la 76° ...) qui aille dans le sens d'un bridage des déviations issues de ce prétendu "esprit du Concile" qe Benoît XVI à la suite de Jean-Paul II est bien décidé à faire disparaître. Indépendemment de ces problèmes politiques, il subsistera de toutes façons l'épuisant problème de distorsion apporté par les traductions "approuvées" de l'original latin. On a déjà souligné avec d'autres auteurs - comme Vincent Carraud dans la revue Résurrection - le drame que constitue la trahison des traductions des encycliques des Papes. On pourra par exemple se reporter à deux de nos précédents articles :
Il résulte de ces observations qu'il reste un travail d'évaluation des traductions disponibles de la troisième édition du Missel Romain, en se référant à son original latin. C'est ce que nous proposons de faire dans l'avenir. |