Sur la question homosexuelle et le christianisme.

Philippe Brindet
22 mars 2011

Deux choses contraignent le christianisme à une condamnation absolue de l'homosexualité en tant qu'elle est une attitude non hétérosexuelle. Tout d'abord, l'union de l'homme et de la femme dans le mariage ordonné est l'image de l'union du Christ et de l'Eglise. Ensuite, le droit naturel exige que l'homme masculin se propage par le mariage avec une femme et une seule. Il n'est pas certain lequel des deux principes découle de l'autre. On comprendra que je me base sur le point de vue de l'Eglise catholique romaine.

On remarque que la « théologie » de l'image est extrêmement critiquable. Non pas de l'intérieur. Toute organisation peut bien expliquer sa nature ou son existence à l'aide d'une ou plusieurs images. Mais, le fait d'inverser la pédagogie de l'image en obligation morale est parfaitement arbitraire. Aucun homosexuel ne prétend (enfin, il n'a aucune raison de prétendre ...) que le mariage hétérosexuel monogame est « contre-nature ». Le fait donc que l'Eglise se dise d'elle-même dans le Christ dans le même rapport que les époux dans la conjugalité ordonnée ne trouble personne.

Mais, l'Eglise rate une étape pour « retourner » le rapport en prétendant qu'il condamne en soi l'alliance homosexuelle. Et l'affirmation de l'erreur de l'Eglise appliquant l'image du mariage ordonné de la pédagogie sur l'Eglise sur la morale sexuelle ne démontre pas que l'alliance homosexuelle serait théologiquement légitime. Mais ce n'est pas parce que je ne démontre pas que l'inverse de l'affirmation de l'Eglise est vraie que cette affirmation est juste.

L'Eglise doit fournir un argument pour expliquer ce qui justifie que tout homme viole la loi de Dieu dans l'homosexualité par le seul fait que le rapport du Christ à l'Eglise est celui des époux hétérosexuels monogames ordonnés. Or cet argument n'existe pas.

Sur la « loi naturelle », j'ai les plus grandes préventions en ce qu'elle rassemble les choses le plus conformistes aux us et coutumes locales. Et ce qui est « loi naturelle » ici et maintenant est une atrocité là-bas et demain. Mais, ce qui est évoqué en général comme « loi naturelle » contre l'homosexualité, c'est que, opposée à l'hétérosexualité, l'homosexualité exclusive est complètement inféconde. On n'a « jamais » vu deux « homos » faire des enfants.

La première réponse, faible mais pas sans efficacité, c'est que les progrès de la biologie sont tels qu'il n'est absolument pas inenvisageable que dans un avenir proche une liaison exclusivement homosexuelle soit féconde comme une liaison hétérosexuelle.

Une deuxième réponse se trouve dans l'adoption. Jen'épiloguerai pas là-dessus.

Une troisième réponse se trouve dans le célibat ecclésiastique. Eux aussi ont des vies parfaitement infécondes à tout le moins selon la « loi naturelle ». Ils ont pourtant le droit de vivre.

Une quatrième réponse se trouve dans la réalité biologique, psychologique et sociale. Il existe une catégorie de gens parfaitement honorables, qui ne sont pas plus hétérosexuels qu'homosexuels. Ils sont non sexuels et ne ressentent pas ou que très faiblement de pulsions sexuels. On se demande d'ailleurs s'il ne serait pas urgent que l'Eglise catholique romaine investisse massivement dans des études permettant de détecter cette catégorie d'humains et qu'elle leur réserve l'accès au célibat ecclésiastique ... si elle veut sans scandale continuer à imposer cette règle sage à ses ecclésiastiques.

La double position de l'Eglise au sujet de l'homosexualité n'est donc pas correctement fondée sur les deux choses que je viens d'étudier. Ce qui ne veut pas dire qu'elle a tort d'avoir la position qu'elle a, mais seulement qu'il faut trouver un autre argument, argument que j'aurais écarté ou oublié, ou défendre la critique de ses deux positions.

Il existe une autre raison qui, je le crains, est beaucoup plus interne à l'Eglise. C'est l'idée que l'utilisation des organes sexuels tend par nature à être gravement désordonné. Il faut donc, du point de vue de l'Eglise, contraindre la nature humaine dans une institution spécialisée qui est dénommée le « mariage ordonné hétérosexuel monogame » et interdire tout usage des organes sexuels en dehors des règles de cette institution.

De ce fait, il n'existe qu'une seule utilisation licite des organes sexuels : le rapport procréatif intracouple régi par les lois du mariage chrétien.

L'Eglise a eu beaucoup de mal à se débarrasser de ce point de vue étrange, mais qui était soutenu jusque dans les années 1980. Depuis, quelques déclarations pontificales et curiales [1] semblent ouvrir, au moins à l'intérieur du couple marié chrétien, le droit d'utilisation des organes sexuels à autre chose que la procréation.

Mais, deux questions se posent immédiatement :

  1. que se passe-t'il pour des conjoints n'ayant pas de mariage chrétien, principalement parce qu'ils ne sont pas chrétiens eux-mêmes ?
  2. Pourquoi l'Eglise tend elle à régenter les usages désordonnés des organes sexuels de manière générale, sans tenir compte du fait que les gens soient mariés ou non, chrétiens ou non ?

Tout d'abord, il est clair que la règle de la monogamie est essentielle dans une société ayant un mode de transmission des patrimoines par voie familiale. Protégeant le système hétérosexuel monogame, l'Eglise protégeait ce mode de transmission des patrimoines. Or, la transmission des patrimoines est maintenant réservée à une très courte population en Occident, parce que les Etats sont parvenus à un taux d'imposition tel qu'il empêche la constitution de patrimoines transmissibles et que la taxation des héritages est dans le même temps devenu spoliatrice.

Par ailleurs, l'Eglise a été rejeté de l'Etat dans la plupart des pays occidentaux; même si des privilèges - au niveau des dons notamment quand ils sont qualifiés d'impôts ecclésiastiques - lui sont encore pour un temps consentis.

Pour revenir à la "police des désordres sexuels", je ne soulignerai pas le paradoxe qu'il y a pour une Eglise engluée dans de sordides crimes sexuels révélés par milliers sur tous les continents de maintenir une « police des moeurs » que ses membres ne respectent pas.

Mais, il faut reconnaître que l'idée que les pulsions sexuelles devraient être réfrénées dans des limites socialement acceptables d'une part et protectrices du droit des autres à la paix [2] d'autre part, n'est pas une idée vaine ou fausse. On se demande seulement ce que l'Eglise a à y voir. Ce n'est pas son domaine.

Ainsi, que l'Eglise édicte des règles de discipline librement consenties parmi ses membres, et cela dans la limite des lois civiles [3], rien ne s'y oppose. Mais l'appliquer au delà est une erreur qui ne sert ni la société ni l'Eglise.

Il existe une autre direction d'étude liée à la différence entre l'homosexualité masculine et ce qu'il est convenu d'appeler l'homosexualité féminine. A mon avis, il n'existe aucune symétrie entre les deux "homosexualités".

L'homosexualité masculine est réellement une sexualité en ce qu'elle utilise souvent avec vigueur, l'organe sexuel actif de la procréation, le pénis. Et ce qui "gêne" l'Eglise, ce n'est pas l'homosexualité gnagnagni, c'est rabelaisiennement la sodomie. Par ailleurs, le comportement sexuel viril est très généralement beaucoup plus violent que celui des femmes. Je sais que les esprits forts n'aiment le recours aux stéréotypes. Mais c'est parce qu'ils les utilisent mal eux-mêmes [4]. De ce fait, la violence qu'éprouve en lui-même l'homme aura tendance à s'enfler dans le rapport homosexuel parce que le rapport sexuel a vocation à échauffer l'être même. Il en résulte une plus grande indisponibilité masculine souffrant de pulsions sexuelles que l'homosexualité virile a tendance à exacerber [5]. Il en résulte que la police de smoeurs soutenue ou promue par l'Eglise trouve sa légitimation dans la condamnation de l'homosexualité en général.

Pourtant à la différence, la prétendue "homosexualité" féminine n'est que très peu une sexualité. Dites moi quel organe sexuel de la procréation est utilisé dans les rapports entre femmes ? Bien et cessons d'épiloguer à ce sujet et retenons seulement que l'homosexualité féminine ne pose pas le même problème [6] que l'homosexualité masculine principalement au niveau des pulsions procréatives détournées qui gênent tant la gent ecclésiastique.

Toujours est-il que l'homosexualité est une réalité massive, de plus en plus visible, et par le fait même peut être, de plus en plus massive. On note que cette modification essentielle de la société occidentale depuis les cinquante dernières années pourrait changer profondément le message de l'Eglise dans l'avenir. Non que je « prophétise » la fin de la discrimination des homosexuels par l'Eglise, mais qu'elle sera contrainte d'adopter une nouvelle attitude si elle veut respecter les lois civiles de protection de l'homosexualité qui existent déjà et ne sont plus du domaine du libre débat.

o o o


Notes

[1] On peut citer VÉRITÉ ET SIGNIFICATION DE LA SEXUALITE HUMAINE: Des orientations pour l'éducation en famille, qui contient des liens vers d'autres textes. retour au texte

[2] ... de ne pas être importuné par les pulsions de son voisin. retour au texte

[3] A ce sujet, il faut souligner que de nombreuses législations réglementent ou se réservent le droit de réglementer la plupart des domaines de l'activité humaine, privée et sociale. Par exemple, en France, il est interdit de réglementer le droit à l'avortement ... Et en Europe, il est absolument interdit de soutenir que « l'homosexualité est un désordre moralement condamnable » ... retour au texte

[4] Pour préciser mon opinion, on peut dire que en moyenne, une femme est moins soumise de manière permanente à des pulsions sexuelles. Ses rythmes personnels lui permettent un repos de périodes plus actives. De plus, sa durée de vie sexuelle n'est pas identique comme celle de l'homme à sa vie adulte. Par ailleurs, il est à noter que certains hommes sont moins "excités" que certaines femmes. Il en résulte des disparités de situations qui doivent inciter à la prudence sur les idées générales simplistes.

Je remarquerai aussi que, notamment dans le mariage chrétien, les règles de chasteté conjugale sont là pour aider les conjoints à vivre ces rythmes différents de la sexualité. On comprend dès lors que si la "police sexuelle" de l'Eglise à ce but de favoriser une vie harmonieuse entre deux époux "licites", elle ne peut que considérer très négativement des homosexuels masculins perpétuellement "speedés". Mais une fois de plus, de quoi l'Eglise se mêle t'elle en prétendant régenter le monde entier ?

Enfin la remarque que je faisais au début de cette Note, montre combien le couple féminin ne subit pas autant les inconvénients du couple masculin ou même du couple hétérosexuel. Le couple féminin n'est pour ainsi dire pas sexuel. Il est seulement "genré". Et on note ici l'étrange domination du "sexuel" qui se répand partout avec une impudeur confondante. Non Sigmund, tout n'est pas sexuel.

retour au texte

[5] Comme dans la Note [4], je note que le couple masculin ou les groupes masculins sont beaucoup plus violents. Il existe une situation facilement confictuelle provoquée par la vigueur hormonale que subissent les partenaires. Dans l'interdiction ecclésiastique, les homosexuels masculins devraient aussi pouvoir accepter une forme de sollicitude. Quitte à la rejeter. Mais pas à la condamner comme attentatoire à leur dignité.

retour au texte

[6] Je voudrais exprimer quelques mots au sujet de ce que l'on appelle à tort, comme je l'exposai plus haut, d'"homosexualité féminine".

Il existe deux "homosexualités féminines" qui présentent de graves défauts et qui sont des dangers pour la société.

Le premier danger est classiquement constitué par l'homosexualité féminine construite sur la haine de la virilité. Une telle haine peut provenir aussi bien d'une histoire personnelle qui fournit des motifs à cette haine qu'à une sorte d'emballement de groupe social qui s'affirme contre d'autres groupes sociaux. On peut trouver des raisons à la formation d'un tel groupe, pas d'excuses et aucune légitimité.

Le second danger est celui de l'homosexualité politique. Il est devenu extrêmement répandu depuis les livres de Simone de Beauvoir, notamment. Cherchant à toute force à adapter partout le schéma mensonger de la "lutte des classes", l'homosexualité féminine se constitue autour d'une classe "opprimée", celle des femmes, contre une classe "bourgeoise", celle des hommes. Alors que la faillite de l'économie politique marxiste est complète, on en trouve encore des résurgences au niveau de l'immigration et de la sexualité. Je condamne avec vigueur une telle "homosexualité" mensongère et politicienne, destinée seulement à constituer des masses serves entre les mains d'agitateurs imbéciles.

Ce que l'on désigne par "homosexualité féminine" et que je préfère appeler "lesbianisme" parce qu'il évite ce terme trompeur de sexualité, se fonde sur une amitié réelle, profonde entre deux femmes ou plus. La profondeur de cette amitié conduit à une communauté de vies qui peut la faire confondre avec le mariage hétérosexuel. Mais cette amitié n'est pas sexuelle.

Certains me disputeront sur la dualité "amitié" - "amour" par exemple en me disant que l'homosexualité est un amour, ou que l'amitié n'a pas besoin d'une communauté de vies. Je les laisserai à leurs querelles verbeuses. J'aggraverai seulement mon cas en posant la question : "et pourquoi pas "entre hommes" ?"

retour au texte