Réception du Concile Vatican II
De l'enseignement à la 'logique'...

Philippe Brindet
12 décembre 2010


Le Concile Vatican II a été comme un tellurisme dans l'Eglise catholique. Pourtant, Saint Pie X cinquante ans plus tôt avait déjà averti que les pires ennemis de l'Eglise étaient à l'intérieur de l'Eglise.

Il faut vraiment se pénétrer de cette vérité que le Concile ne peut être accusé des maux dont souffre l'Eglise aujourd'hui. Mais il a été le moyen que les ennemis de l'intérieur de l'Eglise ont utilisé pour hâter leur lutte contre le Christ et ses fidèles.

Et, inutile de se représenter ces ennemis de l'intérieur comme des "diables à la queue fourchue". La plupart ont l'apparence de parfaits honnêtes gens. C'est même la raison pour laquelle il est si difficile de se mettre en garde contre eux.

Aussi n'est-ce pas contre des personnes qu'il faut lutter, mais contre des idées. Et ces idées sont destinées à remplacer la réalité de l'Eglise par les idéologies funestes qui nous encombrent aujourd'hui, plaçant l'Eglise, en Occident surtout, dans un état lamentable.

Avec nos amis de la Tradition, nous pouvons vérifier combien les textes concilaires ont été le produit de rudes tractations, de sombres manoeuvres sous lesquelles la droite intelligence de la foi disparaît bien souvent. C'est la raison pour laquelle, avec Jean-Paul II et Benoît XVI, l'Eglise est appelée à relire les textes concilaires à la lumière de la Tradition pour en expurger tout ce qui s'y trouve d'étranger [1].

Mais, la lecture même des textes concilaires est devenue une rareté. Le grand drame de l'Eglise, en Occident, c'est qu'on ne lit pas en droite intelligence les textes concilaires. On ne fait aucun enseignement magistrale des textes Concilaires. On préfère à une lecture robuste ce que l'on a le front de désigner par "la logique du Concile" [2]. Cette logique est, dans l'esprit de beaucoup, associée au progressisme de type socialiste qui, notamment en France, emporte l'ensemble de la société civile, et dans une partie notable du monde, constitue une tentation terrible de réduction "horizontale" du christianisme romain.

Cette tentation terrible a été le péché du XIX° siècle, héritier des terribles utopies du XVIII° siècle [3], ce péché condamné notamment par Pie IX. Aussi, les défenseurs du Concile doivent-ils se classer en deux catégories qu'il faut soigneusement distinguer :
  1. Ceux qui, à la suite des Papes Paul VI [4], Jean-Paul II et Benoît XVI, pensent que la "logique du Concile" est celle de la Tradition et de l'enseignement constant du Magistère ordonné de l'Eglise. Ceux-là pensent que les textes du Concile doivent être lus et qu'ils doivent être lus uniquement dans la parfaite connaissance et adhésion à la Tradition et dans l'obéissance au Magistère de l'Eglise, attitudes complètement étrangères aux hérésies qui ont secoué l'Eglise et l'Occident depuis Luther jusqu'à Marx.
  2. Ceux qui, à la suite des théologiens progressistes, parmi lesquels on citera Congar [5], Rahner et Küng, font penser à leurs disciples que l'Eglise est au service du Monde quand il est perçu comme une réalité socialiste, c'est-à-dire une réalité dans laquelle, selon le degré admis de socialisme, la personne humaine s'efface derrière ou disparaît dans son appartenance sociale, tenue comme un impératif déterministe. Ceux-là voient dans le Concile une simple occasion d'y plaquer leur "logique" socialiste parce qu'ils y ont fait insérer les racines "verbales" qui leur permettent leurs honteuses fantaisies. Ceux-là condamnent chez leurs contradicteurs leur individualisme "petit-bourgeois" dans la grande tradition de l'invective marxiste.


Et c'est celà que l'on peut reprocher au Concile. S'être retrouvé dans l'Histoire en moins de quarane ans, sans l'avoir voulu, comme cause efficiente de troubles terribles dans l'Eglise. Par le noyautage des cercles dirigeants et par des techniques pratiques de prises de pouvoir, bien connues dans les régimes pré-socialistes, le Concile Vatican II s'est laissé infesté dans ses textes mêmes par des racines mortifères. Et pour les cacher, les ennemis intérieurs de l'Eglise parlent ainsi de la "logique du concile". Le plus souvent les progressistes ne font pas de citations des textes du Concile, parce qu'ils savent bien que, s'ils citent une seule phrase concilaire à l'appui du "progressisme", leurs adversaires pourront en citer dix autres qui les contredisent. Et vice-et-versa. Ce qui interdit tout débat. Ce que l'on reprochera à Vatican II jusqu'à la consommation des temps.

On remarquera que, lors du Concile, le socialisme de type marxiste, issu de la Révolution française, essentiellement anti-religieux, triomphait partout. Les membres du clergé depuis 1789 en France notamment, n'ont jamais fait montre d'une grande faculté de résistance à l'oppression [6]. De nombreux membres du clergé et du haut clergé étaient essentiellement acquis à cette cause du socialisme. L'ouverture au Monde des progressistes, qui est leur traduction de l'aggiornamento voulu par Jean XXIII, n'a jamais été que la ratification dans le dos de l'Eglise de son adhésion au socialisme marxiste. Bien entendu, peu de participants au Concile l'ont admis de manière positive. Mais, pour un Wojtila qui a été qualifié de résistant au communisme, le plus souvent d'ailleurs pour le lui reprocher, combien d'évêques se sont ignomineusement compromis avec le socialisme marxiste le plus honteux, à commencer par le Cardinal Archevêque de Paris de l'époque, Mgr Feltin, aussi bien à l'intérieur de l'Eglise qu'à l'extérieur.

La "logique du Concile" des ennemis de l'intérieur de l'Eglise n'est pas autre chose qu'une adhésion militante au socialisme marxiste. Ce dernier est mort. La "Logique du Concile" est donc morte. Reste à le relire à la lumière de la Tradition et l'aide du Magistère autorisé de l'Eglise.

Le relire ou le réécrire ?

o o o


Notes

[1] C'était le sujet annoncé en 2008 d'une Conférence de l'orbite de la FSSPX et de Mgr Fellay. Une fois de plus, nous redisons notre réserve à l'égard de la FSSPX et de ses évêques. Mais nous devons les gratifier d'un immense merci d'avoir luttés, mal peut être. Mais presque seuls, ils ont luttés et soufferts. Pour percevoir nombre de leurs préoccupations, on pourra se référer à Rome : 6ème congrès théologique de la revue SÌ SÌ NO NO.
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[2] On lira comme exemple : retour au texte

[3] Ces utopies qui ont écrasé la France façonnée par le christianisme romain, Friedrich Engels a été l'un des plus célèbres théoriciens de cette doctrine dans Socialisme utopique ..." à montrer le lien qu'elles ont avec les hérésies luthériennes, complètement internes au catholicisme romain.
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[4] Nos amis de la Tradition ont souvent été très injustes à la mémoire de Paul VI. Paul VI n'est pas parvenu à contrôler les fourberies dans le Concile Vatican II. On peut même le critiquer d'avoir pris des décisions qui se révélèrent ensuite comme des catastrophes historiques - on citera la nomination du terrible Nonce Jadot aux Etats-Unis qui a installé un nombre incroyable d'évêques homosexuels et pédophiles, ou qui ont dévelopés l'homosexualité et la pédophilie dans toutes les sphères de l'Eglise aux Etats-Unis et ailleurs.

Mais, si on relit son Encyclique "Mysterium Fidei", on doit le créditer d'avoir identifié dans l'Eglise du temps du Concile Vatican II l'ensemble des déviations que, quarante ans après, Jean-Paul II dénonce horrifié dans son Encyclique testament, "Ecclesia de Eucharistia vivit".
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[5] On ne sera jamais assez prudent avec les mots qui servent d'étendards ou de slogans "militants". La récupération de la Tradition est aussi caractéristique de l'hérésie. Ainsi des hérésies protestantes depuis Luther et ses précurseurs qui ont tous prétendus "réformer" l'Eglise par un retour à la "vraie" tradition.

Ce trait est particulièrement sensible chez un hérétique comme Congar. Et cette chose est très connue chez ses disciples dominicains. On peut citer cette description de la pensée de Congar :
Je suis un homme enraciné. Je déteste la rupture d'avec ce qui nous fonde

Pour le père Congar, la récupération de l'authentique Tradition est la condition de l'audace ecclésiale. Selon des formules qui n'ont rien de paradoxal, on pourrait dire que le renouveau dépend du ressourcement et que la fidélité appelle le prophétisme. Plus on connaît les méandres de l'histoire, plus on est libre par rapport aux nouveaux absolus. Tout s'inscrit dans une histoire, même jésus Christ, même saint Thomas d'Aquin. Dès lors, la théologie " mérite le détour "par l'histoire.
Site Curia des Dominicains, article "Yves Congar"

On note que les Dominicains n'ont pas réussi à masquer la manoeuvre évidente quand ils la qualifient euux-mêmes de "récupération", ce qui est indigne, de la Tradition. Ils ajoutent à l'odieux en qualifiant la Tradition "récupérée" par Congar, d'"authentique", sûrement pour la distinguer de celle du Magistère et de la Tradition toute simple. Les mots, toujours les mots et la douleur.
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[6] Au sujet du clergé en France en 1789, il faut bien entendu rétablir la vérité. Le personnel révolutionnaire compte un nombre incroyable d'assassins issus des rangs du clergé : Talleyrand, Fouché, Jumel, Lanoux, Ysabeau, Tallien, Lindet, Le Bon, Fauchet, Minée, Lakanal, ... Mais, la foi a été illustrée par de nombreux ecclésiastiques dont la mémoire a été perdue dans l'Eglise même. Citons par exemple le Père de Clorivière.

Mais, l'Eglise en France préfère laisser les martyrs de la foi et les résistants à l'oppression religieuse dans l'oubli pour ne pas gêner sa compromission avec les autorités en place. Toujours la soumission au pouvoir fut-il indigne. On reconnaît ici qu'une telle mémoire des martyrs catholiques de la première révolution socialiste ne serait sûrement pas dans "la logique du Concile" ... retour au texte