Observations météorologiques
Faites à Châlons, pendant l'année 1822

Par M. FRANCOIS, Pharmacien.[1]

Une température presque constamment douce et très-humide se fit remarquer pendant le mois de janvier ; ce temps a été d'autant plus surprenant que les vents nord et nord-ouest se firent sentir sans interruption. Le thermomètre ne descendit au-dessous du terme de congélation que les 6, 7, 8 et 10 ; le plus grand froid fut seulement de 5 degrés.

Le mois de février fut soumis aux mêmes influences que le mois précédent. A cette époque, la végétation avait déjà fait des progrès très apparens.

On éprouva en mars un temps trop chaud pour la saison, et une température extrêmement séche, quoique dominé par le vent d'ouest. Il est à remarquer que la Marne n'a pas eu de débordement dans le cours de cet hyver : plusieurs fois son lit se trouva entièrement rempli ; mais il n'y eut que les parties basses qui furent submergées.

En avril, il fit un temps très-sec, mais moins chaud que dans le mois précédent ; la végétation qui était déjà si avancée en fut beaucoup ralentie.

Le mois de mai eut d'abord une température douce et humide, produite par l'influence du vent d'ouest ; et depuis le 15 jusqu'au 31, malgré que le vent nord eut régné, il fit une chaleur extraordinaire, qui fut constamment, vers les deux heures après-midi, de 20 à 23 degrés. Cette grande chaleur a été favorable à la vigne, qui fut en fleurs vers le 27, ce qui est extrêmement rare dans ce mois ; mais d'un autre côté, elle ne fut pas propice aux céréales, principalement en mars. Ce mois fut remarquable par deux ouragans, celui qui eut lieu le 6 devont désastreux pour les contrées qu'il parcourut ; ce fut vers les cinq heures du soir, le vent soufflant du sud-sud-est, qu'il fondit inopinément en couvrant, en moins de quelques minutes, la terre de quatre à huit pouces de très-gros grêlons, qui mirent en pièce des vitres d'un quartier de Châlons, ainsi que toutes les cloches d'un grand nombre de jardins qui l'environnent. Celui survenu le 13 n'occasionna aucun accident notable ; mais il fut remarquable par sa durée et l'énorme quantité d'eau qu'il produisit ; elle fut d'un pouce une ligne et demie.

En juin on ressentit des chaleurs excessives : le thermomètre indiqua dans son maximum, à l'ombre, entre deux et trois heures de l'après-midi, 27 degrés de chaleur ; la moyenne dut de 19 degrés. Le vent du nord régna exclusivement. La fenaison commença vers le 9 ; et le 24, la vigne offrait avec étonnement ses primeurs. Le seigle ayant atteint leur maturité recevait la faulx, et à la fin de ce mois, on coupa même quelques fromens.

Les chaleurs en juillet n'eurent pas la même intensité que dans le mois précédent ; influencé par le vent d'ouest, il fut constamment nuageux. Il y eut des nuits froides semblables à celles d'automne. Dans le cours de ce mois, on acheva les moissons qui ne remplirent pas entièrement les attentes des cultivateurs, relativement à la quantité. Le grain ne prit pas beaucoup de développement à cause de la sécheresse, et d'un autre coté, les souris, dont la multiplication effrayante avait été favorisée par un hiver doux, ont généralement produit une perte assez sensible. Les raisins, à cette époque, étaient arrivés à leur grosseur, et n'ont point éprouvés de dépérissement par le temp qui leur a été contraire pendant une partie de ce mois.

En août, on éprouva une température très ordinaire pour la saison, et un peu humide, ce mois étant dominé par le vent d'ouest. Le 21, jour où le thermomètre monta jsqu'à 26 degrés, il fit un ouragan si épouvantable qu'en moins d'une demi-heure, plusieurs communes telles que Vraux, Condé, etc. furent inondées complètement ; l'eau, dans Vraux surtout, avait atteint une hauteur si prodigieuse, et les rues représentaient des courans tellement rapides, qu'ils entraînaient et détruisaient tout ce qui leur opposait de la résistance. Les vendanges commencèrent le 26 dans plusieurs communes du département, et il est à remarquer qu'en l'année 1811, dite de la comète, elles n'eurent lieu, dans ces mêmes endroits, que le 13 septembre. Cette différence de dix-neuf jours, dans l'époque de la maturité du raisin, prouve donc que 1822 a encore été plus chaud que 1811 ; d'ailleurs le thermomètre n'a marqué dans cette dernière année qu'une seule fois 26 degrés le 29 juillet ; tandis que, dans le cours de celle qui vient de s'écouler, il parvint plusieurs fois à la même hauteur, et même à 27 degrés.

Le vent du nord qui régna en septembre produisit un temps superbe jusqu'au 23 ; on eut aussi une température constamment douce. Les derniers jours du mois furent un peu pluvieux. Le 15, les vendanges étaient généralement terminées et elles furent favorisées du temps le plus agréable que l'on ait pu désirer.

Les mois d'octobre et de novembre eurent un temps généralement doux et assez beau. Dominés par le vent d'ouest, on eut quelques jours de pluie ; celui du 28 novembre entre autres, fut remarquable par la grande quantité d'eau qui tomba ; aussi vit-on quelques jours après, la Marne se grossir sans pour cela qu'il en soit résulté aucun débordement.

Les six premiers jours de décembre furent très pluvieux ; ensuite il survint un brouillard très-épais et très-froid qui dura trois jours entiers. Le thermomètre, depuis le 9 jusqu'au 31 inclusivement, se maintint au-dessous de zéro, et il marqua, dans son plus grand abaissement, huit degrés de froid. La température que l'on éprouva, pendant cette période, fut très-sèche ; elle varia cependant à chaque phase de la lune ; le temps se couvrit et on eut deux jours de neige.

Pour ne rien laisser à désirer et éviter des répétitions fastidieuses, j'ai cru devoir présenter les différentes observations météorologiques faites pendant le cours de cette année, réunies en un seul tableau qui offrit, dans chaque colonne, le résultat mensuel de chacune d'elles.

mois Tmax Tmin Tmed Pmax Pmin Hmax Hmin Beau Gris Noir Pluie Grêle Brouil. Tonn. Vents pluie évap.
01 8 -5 4 28 5 5 27 4 0 40 50 5 27 10 11 0 3 0 N & NO 1 0 6 0 10 0
02 9 -5 4 28 5 5 27 9 5 33 52 13 16 9 4 0 0 0 N 0 9 0 1 0 0
03 16 1 8 28 5 0 27 10 0 31 50 19 13 15 7 1 1 0 N & O 0 8 5 4 0 0
04 18 0 8 28 4 0 27 6 5 30 48 19 9 18 4 0 2 1 N & O 0 6 0 3 1 0
05 23 8 12 28 4 5 27 6 0 30 50 22 11 21 6 1 2 2 N & O 2 1 0 3 0 0
06 27 13 19 28 4 0 27 10 0 30 52 22 11 25 4 0 0 3 N 0 11 5 4 0 0
07 22 12 16 28 3 0 27 9 0 32 48 14 12 24 5 0 0 3 O 0 5 8 3 8 0
08 26 10 14 28 4 0 27 10 0 36 48 12 13 21 4 0 1 1 O 0 11 5 4 0 0
09 20 8 12 28 3 0 27 6 0 38 50 19 20 17 5 0 1 2 N 0 11 5 2 9 0
10 19 5 11 28 4 0 27 5 5 41 53 14 18 20 10 0 2 0 O 1 3 5 1 5 0
11 14 -2 8 28 5 0 27 7 0 41 53 15 21 16 9 0 4 0 O 2 3 5 1 0 0
12 10 -8 0 28 6 0 27 3 0 31 52 17 14 10 4 0 6 0 O 0 8 0 0 7 0
Cumul 27 -8 9,5 28 6 0 27 3 0 30 53 191 185 206 73 2 26 12 O & N 12 8 4 29 4 0


Le climat à Châlons-sur-Marne en 1822

Philippe Brindet
le 08 février 2010
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Notes

[1] Cet article a été publié dans "Annuaire ou Almanach du département de la Marne pour l'Année 1823, par Bonniez-Lambert, imprimeur de l'Ecole Royale d'Arts et métiers, pages 256 à 260, avec un tableau d'observations.

Un commentaire du Troisième Millénaire est présenté dans Le climat à Châlons-sur-Marne en 1822, par Philippe Brindet. retour au texte

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