Hans Küng promeut un oecuménisme déviant


Philippe Brindet
28 octobre 2009


Ainsi qu'on le sait, beaucoup d'Anglicans refusent l'orientation progressiste de nombreux hiérarques de leur Eglise. Deux motifs annoncés de fâcherie : l'ordination des femmes et la révélation de l'homosexualité des prêtres et des évêques. On pourra se reporter à notre article intitulé L'accueil d'Anglicans par l'Eglise catholique romaine.

Ainsi qu'on le sait aussi, l'anglicanisme comporte au moins deux composantes qui ne sont unies que par l'antipapisme. La première tendance est une tendance eucharistique qui se trouve très proche du sens eucharistique déjà commun aux catholiques et aux orthodoxes. De ce point de vue, un rapprochement avec les anglicans n'est donc pas forcément aussi délicat qu'on veut bien le croire. La seconde tendance est résolument réformatrice, liée au calvinisme. Son option sur la Cène se rapproche du sens dévié de la réforme liturgique de Vatican II, De ce point de vue aussi, un rapprochement avec les anglicans ne serait pas mal ressenti par les progressistes catholiques.

Mais, il y a un mais, un énorme mais. Et c'est le vétéran de la contestation ecclésiastique, Hans Küng, qui donne une véritable leçon d'oecuménisme déviant.

Avec un aplomb cynique, Küng enseigne ce qu'est l'oecuménisme déviant

Hans Küng publie un article dans le quotidien The Guardian du 27 octobre 2009, sous le titre "The Vatican thirst for power divides Christianity and damages Catholicism". Cet article est traduit dans les colonnes du quotidien Le Monde du 28 Octobre 2009, sous le titre "La politique du pape envers les anglicans est un véritable drame !", et probablement dans plusieurs autres quotidiens, démontrant ainsi une campagne particulièrement bien et rapidement orchestrée. Cependant, une recherche des articles récemment parus au nom de Hans Küng ne fait pas apparaître d'autres interventions dans la presse sur ce thème. Particulièrement, dans le monde germanique qui est le domaine d'élection de Küng, il semble plus porté à la promotion de son dernier livre qu'à l'affaire anglicane [1].

L'article de Küng dans Le Monde comporte l'habituel torrent d'invectives et d'insultes grossières à l'encontre du Pape, Plus étonnant ici, des membres des congrégations vaticanes, pourtant très proches de Küng [2], ne sont pas épargnés :
"... au Vatican, les anti-oecuméniques se réjouissent de l'arrivée de ces conservateurs ...".
Il faut ignorer l'inanité des attaques de Küng. Il paye ici aux puissances de ce monde son droit à exister.

Küng promeut un anti oecuménisme de consolidation des fractures

Küng, par la méthode des antiphrases, donne une véritable leçon d'oecuménisme déviant :
"C'est un changement de cap dramatique : finie l'époque de l'oecuménisme fondé sur un dialogue d'égal à égal et une recherche de compréhension authentique ! Voici venu le temps du débauchage des prêtres. Rien de plus anti-oecuménique !"
Ainsi pour l'oecuménisme déviant, l'oecuménisme est un dialogue d'égal à égal. Et c'est le retour à Rome des chrétiens séparés autrefois qui est un "drame contre l'oecuménisme". Pour Küng et ses disciples, la séparation d'avec Rome est une chose qui doit être respectée, conservée. Pour Küng et ses affidés, le drame serait le retour de chrétiens séparés dans la communion de l'Eglise.

Or, le seul oecuménisme est celui qui aboutit à la réunion des chrétiens dans l'Eucharistie, autour du Pape, reconnu comme le Référent unique de la Foi et du Magistère dispensés par les communautés locales ou régionales. L'oecuménisme ne peut avoir d'autre but.

On concèdera que, bien entendu, l'unité de l'Eglise doit être construite sur la base d'un dialogue respectueux des raisons de désunion. Mais sûrement pas dans un autre but. Et le dialogue, fut-il agréable et de bon aloi, ne peut jamais être une fin en soi. Il est temps de ne plus perdre de temps à un oecuménisme du "Congrès qui s'amuse", pour entrer dans une ère laborieuse et sincère d'unification. Ce n'est pas autour de geuletons fins que l'on fera l'unité.

Le Pape menacé par Küng

Une autre réflexion est soulevée par la réaction de Küng.

Il est possible que "Küng" ne soit que le nom de plume d'un certain nombre de pontifes de l'Eglise catholique qui veulent indiquer au Pape qu'"Il va trop loin". On note dans l'article de Le Monde, un véritable avertissement, une menace à l'encontre du Pape et du cardinal Levada, les acteurs de cette réintégration d'anglicans consternés par les errements du progressisme de Küng mis en oeuvre plus avant dans l'anglicanisme que dans le catholicisme :
"Depuis le concile, de nombreuses conférences épiscopales, beaucoup de prêtres et une foule de croyants ont demandé que soit mis fin à l'interdiction du mariage des prêtres, qui remonte au Moyen Age et qui a déjà fait déserter près de la moitié des cures. Mais Ratzinger leur a toujours opposé un refus aussi obstiné que peu avisé. Or il faudrait maintenant que des prêtres catholiques tolèrent à leur côté la présence de convertis mariés ?"
Il s'agit là d'un véritable appel à la révolte contre le Pape.

Des Anglicans se rallient pour échapper aux ravages du progressisme

Dans l'affaire Küng de la critique du mouvement du Pape d'accueil d'Anglicans dans l'Eglise romaine, il y a une autre question.

Il ne s'agit pas réellement d'une affaire d'oecuménisme. De quoi s'agit-il ?

Une frange plus ou moins organisée autour d'un groupe d'évêques anglicans, la TAC ou Traditional Anglican Communion [3], animée - il faut le souligner - par des évêques anglicans africains, a annoncée depuis plusieurs années qu'elle n'accepterait pas le diktat de la majorité des évêques anglicans et épiscopaliens, d'imposer des pratiques ecclésiastiques contraires aux enseignements les plus élémentaires de l'Eglise anglicane, enseignements élémentaires largement identiques à ceux de l'Eglise romaine.

Ces pratiques ecclésiastiques déviantes sont la promotion d'un prétendu mariage homosexuel, l'exercice de l'homosexualité par le clergé anglican, et le prétendu droit de ces homosexuels à être nommés évêques.

De manière plus diversifiée, les anglicans protestataires ont mis en cause le prétendu droit nouvellement imposé par la majorité des évêques anglicans, prétendu droit des femmes à devenir évêques ou prêtres.

Il faut noter que d'autres organisations anglicanes, des diocèses et parfois de simples paroisses sont prêtes à rallier Rome et ceci, non pas depuis une semaine, mais depuis des années. Ils l'ont dit et répété, tentant désespérement de faire entendre leur voix dans le tohu-bohu destructeur initié par les progressistes.

Il n'y a donc là rien de directement oecuménique. C'est un ralliement pur et simple que le Pape a la bonté et l'intelligence d'aménager de manière à éviter aux Anglicans qui se rallient au catholicisme romain de vivre ce ralliement comme une blessure, mais au contraire comme un accueil fraternel, respectant les traditions et les coutumes légitimes de chacun.

A la suite des pires extrêmistes, Küng, pour ne pas parler de ralliement, qualifie le mouvement de conversion. Ce n'est pas le terme. Les Anglicans qui se rallient sont plus authentiquement catholiques que le moindre progressiste. Ils n'ont besoin d'aucune conversion.

Mais si on suit l'analyse de Küng et des progressistes condamnant comme un "drame" la "conversion des Anglicans traditionalistes", il s'agit simplement de l'application d'un principe selon lequel l'oecuménisme interdirait les "conversions" interconfessionnelles [4].

Or, la Déclaration des Droits de l'Homme protège le droit de tout homme à changer de religion. La position de Küng peut donc être dénoncée comme une atteinte pure et simple aux droits de l'Homme.

Les Anglicans ont parfaitement le droit de changer de confession. Les invectives et les insultes de Küng contre les actions du Saint-Père qui accueille les Anglicans blessés par le progressisme sont des intimidations de nature à porter atteinte aux droits naturels des anglicans de devenir catholiques romains.

Et que reste t'il de l'oecuménisme après la mesure du Vatican ?

La première chose est la manifestation que le ralliement à l'Eglise catholique romaine est un mouvement qui se passe dans la bonhommie et qui préserve des particularités. Il ne s'agit absolument pas d'une quelconque capitulation [5].

Maintenant, il est clair que les congrégations officielles anglicanes et les autres Eglises séparées, réformées ou orthodoxes, vont être furieuses. Mais, il faut expliquer inlassablement ce que peut être l'oecuménisme pour le catholicisme romain et montrer qu'il peut co exister avec les démarches actuelles. Si les hauts fonctionnaires des Eglises souhaitent discuter dans le cadre de leurs mandats respectifs, qu'ils se tournent vers leurs mandants pour apprendre le désir de chacun.

Or, le Pape est le ministre de l'Unité par excellence, non pas parce qu'il disposerait d'une simple primauté d'honneurs [6], mais parce que la fonction du Pape est instituée par le Seigneur. Elle est unique et se fonde sur la confirmation par le Pape des frères du Pape dans la foi unique gardée dans l'Eglise. Par "frères du Pape", il faut bien entendu entendre le Collège des cardinaux et des évêques, mais aussi tout chrétien de la confession catholique romaine. Cette définition montre que le ministère du Pape, qui n'est pas un simple mandat du Collège des évêques, s'étend naturellement à l'ensemble des croyants.

Il est donc naturel que le Pape, Successeur de Saint Pierre, soit le Ministre de l'Unité de l'Eglise Universelle. Aucune discussion oecuménique ne peut s'engager avec le catholicisme romain si le ministère du Pape, Evêque de Rome, n'est pas reconnu. Une éventuelle primauté ne peut venir qu'en conséquence du ministère du Pape et cette primauté peut s'articuler à la fois sur la collégialité des Evêques instituée par le Saint Concile du Vatican II, et sur les particularités des Eglises soeurs et non plus séparées.

Or, dans le catholicisme romain, un certain nombre de hauts fonctionaires ecclésiastiques ont du ministère de Pierre, du Pape en pratique, une conception réductrice. S'ils acceptent encore la primauté du Pape, c'est souvent une simple primauté d'honneur dans les cérémonies liturgiques, dont on sait que le Pape est un fervent. Ils pensent que le Collège des Evêques et le Concile ont une autorité supérieure à celle du Pape.

Or, si on sait bien que cette idée est fausse, il faut se souvenir qu'elle est ancienne et persistante. Elle a notamment agité l'Eglise en France, qu'on désignait alors comme l'Eglise gallicane, un peu comme on désignait l'Eglise anglicane, à partir du début du XVIII° siècle. Cette funeste idée a débouché sur une épouvantable persécution contre l'Eglise catholique romaine. Et le Pape Saint Pie VI est mort des mauvais traitements infligés lors de sa déportation de Florence où il était réfugié vers Lyon où il devait être interné par la République française qui pillait alors sans vergogne l'Italie.

Aussi, le ministère d'unité du Pape n'est pas un service optionel ou une ancienne tradition qu'il serait possible d'abandonner à la mémoire des manuels d'Histoire ecclésiastique. D'autant que le ministère du Pape est institué par le Seigneur Lui-même. Mais elle est de plus imposée par le martyre des Prédecesseurs de Benoît XVI qui ont résisté aux menaces contre le ministère papal qui n'est ni optionnel ni auxiliaire.

Que le Seigneur bénisse le Pape Benoît XVI et tous les chrétiens qui se rallient à son service de l'Unité.

o o o


Notes

[1] Une petite revue de presse des articles récents sur Hans Küng dans le monde allemand démontre l'obsession anti-papiste de Küng. Egocentique, auto-satisfait, entouré d'une cour de flagorneurs qui se servent impitoyablement de sa vanité, Küng à chaque manifestation publique tente de dépasser sa réputation d'adversaire de l'Eglise.

daté du 11.09.2007 "Das Christentum geht vielen auf die Nerven", soit "Le Christianisme possède beaucoup de nerfs".
Für Hans Küng ist Religion heute wieder ein Machtfaktor. Besonders viel Zulauf hat der Islam und der Buddhismus, nicht aber das Christentum. Im DW-WORLD-Interview spricht der streitbare Theologe über die Gründe. Pour Hans Küng la religion est à nouveau un facteur de puissance. Inlet a beaucoup de l'islam et le bouddhisme, pas le christianisme. Dans DW-mondial Entretien avec le théologien militant s'exprime sur les raisons.
De PI News et daté du 02. Feb 2009, un article intitulé "Küng: “Wir brauchen einen Papst wie Obama”", soit "Küng: "Nous avons besoin d'un Pape comme Obama" ...

De N-TV et daté du Montag, 02. Februar 2009, un article intitulé "Küng attackiert Papst "Benedikt auf Bush-Linie", soit "Küng attaque un Pape "Benoît XVI dans la ligne Bush"" ...

De P2News daté du 14 Oktober 2009, un article intitulé "Theologe Küng kritisiert alten Weggefährten Benedikt XVI", soit "Le théologien Küng critique les vieilles manières dirigistes de Benoît XVI".

De STOL, daté du 22. Oktober 2009, un article intitulé ""Was ich glaube": Denker und Theologe Hans Küng zieht Lebensbilanz", soit ""Ce que je crois": le philosophe et théologien Hans Küng tire le bilan de sa vie".

Du Spiegel, daté de Mittwoch, 28. Oktober 2009, un article intitulé Hans Küng [SPIEGEL ONLINE RSS - Hans Küng] Hierzu finden Sie auf dieser Themenseite alle Artikel,Hintergründe und Fakten., soit Voir tous les articles, arrière-plans et faits sur ce sujet. retour au texte

[2] Le Cardinal Kasper, préfet de la Congrégation en charge de l'oecuménisme, court-circuité par le Pape et le Cardinal Levada dans cette affaire avec les mécontents de l'anglicanisme, est unancien assistant universitaire de Hans Küng. Plusieurs pontifes français ont des liens très sérieux avec Küng et ses organisations obscures. Par exemple, un de ces pontifes, archevêque français, a publié un ouvrage de théologie morale qui reprend la thématique sur la morale comme couche supérieure de gouvernement mondial et qui bénéficie de la préface d'un puissant laïc catholique, membre avec Küng de plusieurs organisations humanistes.retour au texte

[3] Sur son site Internet, la TAC explique simplement sa situation :
"The Traditional Anglican Communion (TAC) is a worldwide association of orthodox Anglican churches, working to maintain the catholic faith and resist the secularization of the Church. Our member churches comprise more than 400,000 members on 6 continents.

We strive to faithfully carry the catholic message of the Gospel of Jesus Christ to a world which desperately needs it, and to preserve the "faith once delivered to the saints" in its Anglican form as the true and valid expression of that message."
"La Communion anglicane traditionnelle (TAC) est une association mondiale d'Eglises anglicanes orthodoxes, travaillant à maintenir la foi catholique et à résister à la sécularisation de l'Eglise. Nos Eglises membres comprennent plus de 400.000 membres sur les 6 continents.

Nous nous engageons à porter fidélement le message catholique de l'Evangile de Jésus Christ vers un monde qui en a désespérement besoin, et à préserver la "foi délivrée aux saint une fois pour toutes" sous sa forme anglicane comme l'expression véridique et valide de ce message."
La TAC a été constitué en 1991 pour protester contre l'ordination des femmes dans la Communion Anglicane.

Il est clair que ce contre quoi lutte la TAC est exactement identique à ce que promeut Hans Küng et exactement identique à ce contre quoi oeuvre le Pape Benoît XVI. L'emportement inique de Küng contre Benoît XVI a donc de fortes raisons.retour au texte

[4] On se souvient que, lors de la fin du pontificat de Jean-Paul II, une tension s'est élevée dans les relations entre le Vatican et l'Eglise orthodoxe russe au sujet de ce que les orthodoxes dénonçaient comme des menées subversives de Rome qui envoyaient des missionnaires en Russie et en Ukraine notamment.

On connait, par exemple en France, le rôle missionnaire des Eglises orthodoxes grecque et russe. Ce rôle est bénéfique et doit être approuvé, parce que l'orthodoxie porte une grande valeur qui lui est propre. Il ne devrait pas être difficile que ces Eglises reconnaissent une autre grande valeur propre à l'Eglise catholique romaine.retour au texte

[5] On pourra se reporter au texte officiel du Vatican, intitulé : "NOTE OF THE CONGREGATION FOR THE DOCTRINE OF THE FAITH ABOUT PERSONAL ORDINARIATES FOR ANGLICANS ENTERING THE CATHOLIC CHURCH , 20.10.2009", soit "Note de la Congrégation pour la doctrine de la foi au sujet des ordinariats personnels pour les anglicans entrant dans l'Eglise catholique" du 20 octobre 2009. Ce document et sa réception par les anglicans seront commentés plus tard. retour au texte

[6] Il faut citer la Constitution conciliaire Lumen Gentium, dans son paragraphe 18, dans le Chapitre III :
"Ce saint Synode, à l'exemple du Concile Vatican I, enseigne avec lui et déclare que Jésus-Christ, Pasteur éternel, a édifié la sainte Eglise en envoyant les Apôtres comme lui-même avait été envoyé par le Père (cf. Jn 20, 21), et a voulu que leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, fussent dans son Église pasteurs jusqu'à la fin des siècles. Et afin que l'épiscopat lui-même fût un et sans fissure, il a mis à la tête des autres Apôtres le bienheureux Pierre qu'il a établi comme principe et fondement perpétuel autant que visible de l'unité de la foi et de la communion (1). Cette doctrine de l'institution, de la perpétuité, de la valeur et de la raison de la sacrée primauté du Pontife romain et de son infaillible magistère, le saint Concile la propose de nouveau à tous les fidèles pour qu'elle soit crue fermement ; ..."
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