Asséner une telle question oblige à une mise au point immédiate. Cette question est littéralement stupide. Et selon son degré de colère, on s'arrêtera là ou on essayera de réfléchir.
Poursuivons quand même.
Il y a trois positions pour répondre à cette question en posant que l'Islam est une religion et une très grande religion, tant par le nombre de ses croyants, que par l'absolu qu'elle révère.
La première position de réponse est celle du musulman lui-même. Il faudrait donc la lui poser. Mais sans risque de lourdes erreurs, on peut s'attendre à une explosion de colère ou à un éclat de rire devant une pareille incongruité.
La seconde position de réponse est celle d'un ennemi de toute religion, comme un idéologue athée ou laïc. Pour lui, cette question sera stupide, parce qu'elle est mal posée. Il le reformulera d'une manière telle que sa réponse sera à la fois possible et nette. La reformulation de la question par l'athée est évidemment : 'la religion est-elle intrinsèquement mauvaise ?' Et il répondra en trois lettres : 'OUI'.
La troisième position de réponse sera celle du fidèle d'une autre religion, donc d'une religion non-islamique. Je dois reconnaître mon incapacité à répondre d'une manière générale à la question depuis le vague de cette troisième position de réponse. Je pense qu'il faut distinguer deux situations religieuses différentes selon qu'on appartient à une religion à laquelle l'Islam se relie ou non.
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Deux religions se constituent en amont de la révélation musulmane : le judaïsme et le christianisme. Dans l'Islam, le christianisme est interprété comme une correction du judaïsme qui aurait trahi l'Alliance de Dieu. Mais, divinisant par fourberie le personnage historique de Jésus, le christianisme le trahit en tant qu'il est un prophète et cette trahison appelle la révélation musulmane qui annule toutes ces erreurs. Il en résulte que, lorsque l'Islam prend le pouvoir, il obéit à son devoir de réduire juifs et chrétiens à un état d'esclavage, dénommé dhimmi.
Il ne peut donc y avoir aucune tolérance dans l'Islam sauf à tenir la dimmitude pour de la tolérance.
Certains considèrent que les autres religions ne procèdent pas autrement que l'Islam dès qu'elles parviennent au pouvoir. Pour le cas du christianisme, il existe une exigence de la conversion de coeur, c'est-à-dire que celui qui abjure sa religion pour se convertir doit obéir à ses seules raison et conscience. Et il faut reconnaître que, lorsque le pouvoir politique s'est lui-même converti au christianisme, il existe historiquement une confusion des genres qui a conduit à des solutions peu éloignées de la dimmitude. Mais, le christianisme interroge lui-même avec sévérité la pratique chrétienne du pouvoir politique. Ce que, à cause de son totalitarisme, l'Islam ignore absolument.
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En effet, nous pouvons concevoir deux choses.
D'abord, la réduction de l'Islam à une ritualité religieuse qui règlerait les rapports du fidèle et de son Dieu, et par extension de pouvoir, des fidèles entre eux quand ils sont reliés par le même Dieu, est implicite dans la classe politique occidentale. On pensera aux politiciens de France qui affirment qu'il existe un Islam de France, paisible et réduit à la sphère privée, dont les membres dans la sphère publique sont de parfaits citoyens, tout simplement comme il existe un judaïsme de France et une Eglise de France, avec des enregistrements à un lamentable "Registre du Commerce de des Religions" ...
Ensuite, l'Islam contient, dans son noyau central de foi, une haine absolue contre ceux qui ne se soumettent pas à leur Dieu. Et toute l'attitude du musulman, qu'il soit seul ou en peuple, est guidée par la volonté de supprimer celui qui n'est pas un bon musulman.
On peut trouver cette idée gênante, malpropre, ou ce qu'on voudra. Mais d'autres régimes, plus récents que l'Islam, ne pratiquent pas autrement. Par exemple, dans le régime politique de la France de 1789, les ennemis de la Patrie, désignés comme "les mauvais citoyens", devaient être éliminés. Et les français d'aujourd'hui, qui agitent le prétendu "caractère intrinsèquement mauvais" de l'Islam, ne devraient alors tirer aucune gloire de leur hymne national qui entraîne les "enfants de la Patrie" à commettre les pires massacres pour "qu'un sang impur abreuve nos sillons".
Il en résulte que, comme le régime de la Révolution de 1789, l'Islam a une tendance naturelle à constituer une démocratie totalitaire, en ce que le peuple des croyants se constitue autour de ceux qui éliminent les ennemis des croyants.
Si on applique maintenant la question de savoir si l'Islam est intrinsèquement mauvais dans le cadre de la démocratie de 1789 dans lequel nous vivons, du fait que plus de 10 % des citoyens de notre démocratie sont des musulmans, nous devons comprendre que la réponse est extrêmement délicate. En effet, l'esprit républicain est, comme l'esprit islamique, entièrement un esprit de destruction de tout ce qui ne lui est pas soumis. Et cet esprit s'incarne naturellement dans un peuple qui se définit primitivement par la haine du non-soi.
Quand le peuple "en soi" est vaincu, il se soumet à son vainqueur. Et c'est toujours ce qu'à fait aussi bien le peuple de l'Islam que celui de 1789. Les plus féroces endoctrinés des Conventionnels de 1793 se sont précipités dans la haute fonction publique de l'Empire napoléonide. De même, les peuples de l'Islam ont traversé les XIX° et XX° siècle en courbant l'échine, à la fois protégés dans leur culte et leurs coutumes (le statut musulman de l'Algérie, en 1857 par exemple) et réduits à assister au spectacle de l'activisme industrieux des Occidentaux en terre d'Islam. Les Saoudiens et bien d'autres n'y ont rien perdu.
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Pour conclure, en plus de dire que la question est stupide, il faudrait la remplacer par une affirmation qui périodiquement se mue en interrogation : l'Islam est faible ou fort.
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