La foi chrétienne de Jean Steinmann ou Congar et le renouveau expliqués
Philippe Brindet
19 Septembre 2008


Le drame de l'application du Concile Vatican II est maintenant admis par tous. Plus personne n'ose parler d'une Eglise plus forte après le Concile qu'avant le Concile. Le Pape Jean-Paul II a mis en cause dans sa dernière Encyclique, Ecclesia de Eucharistia vivit, les erreurs et les déviations dérivées du Concile en matière de liturgie et de théologie de l'Eucharistie. Le Pape Benoît XVI critique de manière constante les applications erronnées de la réforme liturgique. Les églises sont désertées [1]. Le nombre de prêtres qui n'exercent plus aucun ministère catholique, ne célébrant plus la messe notamment, ou encore qui propagent des erreurs extravagantes sur la Trinité, l'Eucharistie et l'enseignement de l'Eglise, s'accroît sans cesse davantage.

On notera que la situation est contrastée dans le monde. La pratique religieuse visible dans la ville de Münich en 2008 et celle d'une ville de la banlieue parisienne présentent des différences accablantes. A Münich, chaque église, et la ville en compte vraiment beaucoup, donne au moins deux messes par jour et de trois à six messes les dimanches et fêtes. Certains diocèses de la banlieue parisienne ne donnent plus aucune messe paroissiale en semaine, et se contentent d'une messe anticipée le samedi et d'une messe du dimanche, rarement deux. A Münich, les églises sont tous les jours pleines de fidèles venant prier. En banlieue parisienne, les églises sont fermées en dehors des heures de messe et de chiches catéchismes.

Lorsque le Concile fut convoqué, selon le cardinal König [2], chaque évêque fut autorisé à s'adjoindre un expert en théologie. Le cardinal König choisit le Jésuite Karl Rahner. Le dominicain Yves Congar fut membre des commissions théologiques constituées pour préparer le Concile. Pourtant, il avait subit de nombreuses remontrances de la Curie romaine avant le Concile. Mais, il fut depuis couvert de la pourpre cardinalice. Bien d'autres ont travaillé, au moins dans la sphère française, avec les effets dévastateurs que l'on sait dans ce pays.

A côté des "célébrités", il a donc existé un nombre important d'ecclésiastiques moins connus, dont tous n'ont pas directement participé au Concile, mais qui ont été la masse agissante qui a permis l'incroyable surprise du Concile. On peut penser que ce sont ces ecclésiastiques qui ont engendré la différence entre la pratique religieuse à Münich de celle de Bobigny.

Parmi ces prêtres qui furent l'élément pervertissant de l'aggiornamento, légitime et voulu par le Pape Jean XXIII, se situe Jean Steinmann. Le lien entre Congar et Steinmann est probablement fortuit ainsi qu'on va le voir. Mais, il illustre plus simplement qu'une longue analyse comment le Concile a pu précéder la catastrophe que l'on voit en France.



1 - Quelques repères biographiques

11 - Jean Steinmann

Jean Steinmann était un Oratorien. Spécialiste des études bibliques, Steinmann s'est intéressé à Pascal et à Léon Bloy. Il présente la particularité d'être le dernier auteur mis à l'Index, pour son livre "La vie de Jésus". Ceci se passait en 1961 sous le pontificat de Jean XXIII. Les ecclésiastiques hétérodoxes ou hérétiques français, à la suite de Renan ou de Loisy, semblent ainsi avoir une faiblesse particulière pour fantasmer des vies de Jésus mieux en accord avec leur imagination que le texte biblique canonique, dont bien entendu ils prétendent tous partir en véritables "scientifiques" qu'ils prétendent être.

Vicaire à Notre-Dame de Paris, Steinmann n'a pourtant jamais été particulièrement inquiété pour ses opinions par l'Archevêque du temps, le cardinal Feltin. Certains y voient l'"esprit d'ouverture caractéristique de l'Eglise de France". D'autres y voient l'indice de la duplicité des responsables ecclésiastiques prompts à condamner les non-ecclésiastiques, mais d'une tolérance douteuse à l'égard des confrères, de l'assemblée desquels ils sont élus.

Steinmann meurt accidentellement en 1963 dans la crue d'un oued en Jordanie alors qu'il encadrait un voyage organisé de jeunes filles. Il a donc seulement vu l'ouverture du Concile et aucune des réformes qui furent édictées seulement à partir de 1964.

Steinmann était réputé pour donner des conférences ouvertes à tous sur un exposé de la foi "mieux" adapté au monde "moderne" que celui officiel de l'Eglise. Une "pieuse" auditrice avait enregistré ces Conférences. A la mort de Steinmann, alors que le Concile était clôturé, ses confrères ont cru faire oeuvre 'pie' et l'associer à leur écrasante victoire sur la ... réaction en publiant ces "conférences" sur le titre : "Une foi chrétienne pour aujourd'hui", et Yves Congar va rédiger la Préface de ce témoignage de piété confraternelle.



12 - Yves Congar

Beucoup plus connu que Steinmann, Congar fait figure de "sommité intellectuelle" dans la théologie catholique de la seconde moitié du XX° siècle. Il faut reconnaître que l'état de la théologie catholique est d'une grande faiblesse. Inquiété par la Curie pour ses opinions à tout le moins hétérodoxes, il devient expert au Concile et participera à l'élimination par les Evêques des schémas montés par la Curie.

Bête noire des intégristes, traditionalistes et autres adversaires du parti victorieux du Concile Vatican II, Congar a toujours tenu pour son honneur d'aller de l'avant sans se soucier de ses frères chrétiens ses actes allaient nécessairement laisser sur le côté.

Il meurt avec les honneurs de la Papauté qui l'établit cardinal quelques jours avant sa mort.



2 - La source de l'étude de l'idéologie de Jean Steinmann

Jean Steinmann est certainement une figure importante pour comprendre comment le Concile Vatican II a pu se tenir et comment sa mise en pratique locale a conduit l'Eglise catholique d'un état relativement florissant à une quasi faillite dans de nombreuses régions, comme la France.

En 1962, lors de ses conférences rapportées dans l'ouvrage étudié ici, l'abbé Steinmann prêchait que le Catéchisme de l'Eglise catholique était un salmigondis erronné, que Jésus était un homme sans auréole, "comme vous et moi", que la religion est essentiellement une morale et que toute morale dérive nécessairement des conditions sociales et donc qu'il n'existe pas d'autre religion que celle émanant de la société particulière dans laquelle on se trouve.

Steinmann se rattache donc directement au grand mouvement, "démythificateur", ou "déconstructeur" pour reprendre l'expression de Jacques Derrida, du christianisme qui se rattache à l'Eglise constitutionnelle de 1792. Ce mouvement puissant et dérisoire s'est toujours déguisé derrière des attitudes politiquement correctes essentiellement en accord avec l'idéologie des Lumières. Le mouvement commence avec les organisations douteuses de l'abbé Grégoire et de l'évêque Talleyrand pour aboutir à la Sarl Eglise de France dont le siège social est avenue de Breteuil et le compte bancaire à la Banque des Escarpes.

On peut dire que le parti qui triompha à la fois dans les infléchissements fautifs des documents concilaires et plus encore dans leurs mises en application locales, et particulièrement en France, peut se réclamer aujourd'hui d'ecclésiastiques comme lui.

Steinmann a beaucoup écrit. A la fois des ouvrages d'exégèse et d'études scientifiques sur certains Pères de l'Eglise. Il a aussi publié des ouvrages ou des études sur des auteurs comme Pascal ou Léon Bloy. Sa pensée est une pensée qui n'a rien produit de neuf. Il n'est qu'un épigone du mouvement progressiste ecclésiatique français et on ne gagne rien à l'analyse de tels écrits.

Son ouvrage posthume "Une foi chrétienne pour aujourd'hui", publié en 1967, fait exception à notre règle de ne pas lire son oeuvre pour deux raisons.

La première raison est que, loin de l'écriture trafiquée des Congar et autres Schillebeekx, cet ouvrage est la simple transcription faite par des laïcs, trompés par l'enseignement erronné de Steinmann. Il y a sûrement eu des corrections opérées par les confrères de Steinmann, protégeant sa mémoire. Mais, Steinmann s'y révèle sans faux-fuyant.

La seconde raison se trouve dans la préface accordée par Yves Congar à cet ouvrage. En 1967, Congar avait triomphé. Son triomphe se révèle dans la surprise que les résultats du Concile provoquent encore aujourd'hui. Congar disposait d'une tribune, la catastrophique revue Concilium, qui lui permettait de contrôler presque toute la pensée théologique en Europe d'une manière tellement dictatoriale que les novateurs comme l'abbé Ratzinger, le futur cardinal von Balthazar et bien d'autres durent s'échapper de la revue pour fonder la revue concurrente Résurrection dont les études font référence maintenant.

Mais, même dans leurs écrits, même publiés dans Concilium, des gens comme Congar masquent toujours leur honteuse entreprise par des expressions conceptuelles controuvées, difficiles à saisir, susceptibles de multiples interprétations, mais généralement dissolvantes de tout sens droit.

La Préface de Congar à l'ouvrage posthume de Steinmann est donc un aveu que Congar signe en avalisant le torrent d'absurdités proférées par Steinmann. Congar, se livrant au genre littéraire de l'hagiographie posthume, écrit en 1967 :

Steinmann, page 11 :

"L'abbé Steinmann prenait un catéchisme d'avant le renouveau catéchétique, biblique et liturgique, et il réagissait critiquement. Il montrait ce qui manquait à la formule scolaire, et cela en partant de l'expérience existentielle des hommes ...".

Pour être juste, Congar émet une réserve sur le travail de Steinmann. Mais cette réserve est simplement formelle :

Steinmann, page 12 :

"Personnellement, nous regrettons ici ou là un certain manque de rigueur."

Même triomphant, en 1967, Congar se garde une porte de sortie en cas d'agression sur le sujet des opinions de Steinmann : il manque de rigueur ...!



3 - L'idéologie religieuse de Steinmann-Congar

La locution de Congar sur "le renouveau catéchétique, biblique et liturgique" était pleine de "promesses". Elle nous aurait permis d'identifier le contenu de ce triple renouveau selon Congar si Steinmann avait développé ces trois aspects. Hélas.

Le livre de Steinmann se termine par cette déclaration désolante : "Le cycle de conférences a été interrompu, à Pâques, par la mort brutale du P. Steinmann. Il y manque donc toutes les conférences du troisième trimestre sur l'Eglise, la liturgie, les sacrements."

La partie des Conférences de Steinmann illustre ce que peut être le renouveau catéchétique tel que le conçoit Congar :

Steinmann, page 178 :

"Le catéchisme essaye de définir la charité au chapitre des vertus surnaturelles. Il vaut la peine de s'y arrêter, car finalement c'est l'essentiel même qui est laissé dans l'ombre. ... Quelle est la lacune gigantesque du catéchisme ? Eh bien, il y manque le principal. ..."

Ainsi, le Concile fantasmé de Congar, ce Concile qui aurait établi le renouveau catéchétique, biblique et liturgique de sa façon, c'est celui qui dirait enfin ce "principal" qui aurait manqué au catéchisme solennel de l'Eglise d'avant le Concile.

Le point de vue de Steinmann concernant la 'fausseté' prétendue du catéchisme officiel de l'Eglise, c'est-à-dire, à l'époque, du Catéchisme de Saint Pie X, n'était pas nouveau. Il était déjà fortement soutenu par des hiérarques français comme Feltin, archevêque de Paris, qui soutenaient le Catéchisme progressif de Joseph Colomb [4], condamné en 1957 par le Vatican, et portant publié avec le soutien de nombreux évêques français.

Il apparaît donc que le renouveau catéchétique de Congar, dit par Steinmann, ne diffère tout simplement pas des catéchismes condamnés comme celui de Coulomb. Toujours est-il que le catéchisme du renouveau catéchétique, fut-il de Colomb, de Steinmann ou de Congar, est jugé sans appel par l'Histoire. Quarante ans après, le résultat est patent : plus aucun chrétien en France ne dispose du moindre enseignement catéchétique, malgré l'existence de catéchismes "renouvelés" comme "Pierres Vivantes", ou plus sérieusement comme le Catéchisme des Evêques de France.



Dieu dans le renouveau catéchétique de Congar-Steinman

Steinmann écrit page 57 :

"Dieu est ce qui me crée moi-même. Mais dès que nous commençons à nous créer nous-mêmes, nous nous heurtons à un problème extrêmement mystérieux : le mal".

On voit la technique perverse des progressistes. La formule de Steinmann est manifestement opposée à celle du Magistère de l'Eglise. On pourrait même dire simplement, du sens chrétien le plus élémentaire. Mais, elle mêle habilement trois notions qui devraient permettre à Steinmann de se défendre de toute accusation.

Dans la droite doctrine, le mal se saisit de l'homme par le péché originel. Et le péché originel provient de l'adhésion libre et volontaire de l'homme à la tentation de Satan : "vous serez comme des dieux".

Les trois notions cachées dans la formule de Steinmann sont aussi le mal, le péché originel et l'identification fautive de l'homme aux dieux. Mais la formule de Steinmann n'identifie que le mal parmi ces trois formules et les a mélangé de façon à les rendre sans justification. En effet, il manque à la formule de Steinmann deux autres notions essentielles. La toute-Puissance de Dieu, Créateur du Ciel et de la Terre, la fabrication d'un homme à l'image de Dieu qui place cet homme dans la Création dans une position caractéristique. Cela, Steinmann n'en parle pas et de ce fait, il lui est possible de prétendre qu'il en parle ailleurs ou autrement.

Toujours est-il que la spécification du Dieu de Steinmann devient à peu de choses près équipollente à celle de Satan. En effet, qui autre que Satan demande au Christ de l'adorer pour lui donner toute puissance sur le monde ?



La Trinité selon Congar-Steinmann

Steinmann écrit page 52 :

" La Trinité est en somme l'explication du rapport entre Dieu et le monde. Il y a l'Absolu, l'Infini. Il y a sa Parole créatrice, sa Pensée qui a donné forme au monde. Et puis, il y a son action, son Souffle qui anime ce monde. De telle sorte que nous vivons continuellement de Dieu et en Dieu, mais par adoption et non par nature."

Revenant à sa folie sur l'auto-création, il renforce cette Trinité par un quatuor, lui adjoignant l'homme.

Steinmann, page 40 :

"... l'homme accepte la communion avec l'Absolu. Il se crée lui-même à partir d'un donné qui n'est pas lui. Il accepte de devenir une personne, et sachant que les autres sont autant de créations de l'amour, de l'Absolu, il comprend que c'est ensemble que nous pouvons arriver à nous créer nous-mêmes. A ce moment-là, il n'y a plus d'opposition entre la personne et la collectivité ; le corps de l'humanité et celui de l'individu sont en communion."

L'errement frise ici les frontières de la folie. Pour un tenant du renouveau biblique, on est cependant étonné que, lorsque Steinmann écrit sur les vérités fondamentales, il est incapable de fournir la moindre citation biblique, ni de se référer au moindre commentaire de quiconque sur le sujet.

La faute de Congar-Steinmann est pourtant patente concernant la Trinité. Elle rend l'homme nécessaire à l'existence de Dieu. De plus, sa Trinité, n'est même pas substantielle. Elle n'est qu'un fonctionalisme qui n'est établi sur aucune expérience concrète de la Divinité.

On remarque ici, que dans cette fonctionalité, il n'est pas nécessaire que Jésus soit Dieu, ni que le Saint-Esprit le soit de même. Et s'ils le sont, c'est parce que l'homme l'est déjà, ce Dieu. Allant plus loin, l'idéologie religieuse de Congar-Steinemann rejette Dieu tel qu'Il se révèle dans la conception traditionnelle et magistérielle de l'Eglise.

Steinmann, page 31 :

" Qu'avons-nous à faire d'un dieu "esprit éternel, infiniment parfait, etc." Il faut dire à chaque homme : "Toi, tu peux devenir "Dieu" par l'art, par l'action, par la vie, par ton goût de l'infini, par ta charité, par le don de toi aux autres."

Or, si on se réfère à nouveau à l'abbé Claraz, on trouve dans son ouvrage "La faillite des Religions" [2], page 210 :

"La Trinité chrétienne est d'origine humaine comme la trimourti indoue de Brahma, Shiva et Vishnou qui personnifient les trois formes de l'existence universelle : naissance, destrution renaissance ; ... "

On note, chez Steinmann, une perversion particulièrement efficace de la Première Personne de la Sainte Trinité.

Steinmann, page 42 :

"Et voici le premier caractère immédiat de la vie : tous plantes, animaux ou hommes, nous l'avons reçue. Nous la tenons d'un ancêtre semblable à nous. ...cet Absolu qui m'a créé est "Père". Notre Père. ... Seul Dieu est vraiment Père. Les autres ne sont que des moyens, des figurants, comme disait (sic) Saint Augustin."

Il en résulte bien qu'il existe un Seul Dieu, Jésus et le Saint-Esprit ne sont que des figurants. Plus encore, tout ce qui vit est Dieu, parce que tout ce qui vit est Fils de Dieu Père. D'où la théorie d'une Trinité à quatre avec un seul Dieu-Père !...

Steinmann ne fonde sur rien d'autre qu'un discours enfiévré de demi-fou ses affirmations extravagantes. Et Congar signe des deux mains sa préface sur la rénovation.



Le mal chez Steinmann-Congar

S'identifiant aux dieux, l'homme de Steinmann découvre le mal comme une absurdité. Comment Dieu pourrait-il souffrir ? C'est absurde nous dit Steinmann.

Steinmann, page 62 :

" Faut-il voir dans le péché originel l'explication rationnelle de la souffrance ? Faudrait-il croire que nous devrions payer parce qu'un homme primitif aurait transgressé l'ordre d'un dieu omnipotent ? Ce serait une absurdité monstrueuse.
"Imaginez un enfant. Baptisé. Torturé par ses parents. Qu'est-ce qu'il paye ? Est-il possible, même mentalement possible, qu'il paye quelque chose ?
Quelle serait la bête inhumaine qui se paierait ainsi ? Mais ce dieu serait pire que n'imorte lequel des pachas orientaux les plus corrompus !
"

Le point de vue de Congar-Steinmann est strictement identique à celui de l'abbé Jules Claraz qui écrivait en 1912, en se désignant comme abbé et ex-vicaire de Saint-Germain l'Auxerrois, un livre intitulé : "la Faillite des Religions", dans lequel on lit page 162 :

"Les inventeurs du dogme de l'éternité des peines de l'enfer ont fait de Dieu qu'ils disent si bon, le plus abominables des êtres. ... Nous en appelons au genre humain entier. Est-il dans la nature un homme qui se sente assez cruel, pour vouloir de sang-froid tourmenter, nous ne dirons pas son semblable, mais un être sensible quelconque sans émolument, sans profit, sans curiosité, sans avoir rien à craindre."

A la même époque, le RP Fessard écrivait un article dans le journal Le Monde dans lequel il intimait l'ordre de se taire à tout individu qui parlerait des "mérites salvifiques de la souffrance."



Les deux alliances chez Congar-Steinmann

L'Ancienne Alliance est définie comme celle faite entre Dieu et un homme à l'état bestial, qui évolue ensuite avec le Christ en se divinisant lui-même.

Steinmann, page 33 :

"Il y a comme deux temps fondamentaux dans l'histoire du monde. Premier temps : la bête devient humaine, vit, sent, souffre. Deuxième temps : la bête se divinise ; en Jésus-Christ, elle fait le deuxième pas de l'évolution. Elle pénètre en Dieu par Celui qui lui apporte Dieu."



La Vierge Marie chez Congar-Steinemann

Steinmann, page 34 :

" Les chrétiens auront beau défigurer Marie, en en faisant une femme à auréole, c'est une femme d'Orient qui porte l'eau, qui travaille péniblement, une vieille femme pleine de larmes, aux mains calleuses que Dieu a mis au sommet de l'humanité."

C'est vraiment une volonté délibérée de "démythifier" le christianisme. L'auréole de la Vierge Marie, c'est sa dignité de Mère de Dieu. Cette vérité semble étrangère à l'idéologie de Steinmann-Congar. Et pourtant ce n'est pas faute qu'on la leur ait apprise.



Le Jésus du renouveau de Congar-Steinmann

Steinmann page 101 :

"Nous nous heurtons au mystère de la vie de Jésus : un Juif mort sur une croix qui a dit un certain nombre de choses importantes, capitales, qui sont à la base de tout le mysticisme du monde, comme l'a montré Bergson. Pour un croyant, Il est celui qui divinise tous les hommes. Voilà l'Incarnation."

Congar-Steinmann est absolument muet sur la Rédemption, sur l'origine divine de Jésus et sur son affirmation d'être Dieu, Fils de Dieu.

On ne sait même plus par quoi commencer.

Tout d'abord, le passage cité est la conclusion du chapitre que Steinmann consacre au personnage de Jésus. Renan et Bergson sont convoqués bien entendu. Mais aussi les Synoptiques et Saint Jean. Sur sa naissance virginal, pas un mot. Sur sa mission rédemptrice et de révélation du Père, rien.

Jésus est un homme. Mais, comme l'homme est par adoption Dieu lui-même, il n'y a pas lieu de reprocher à Steinmann que son Jésus ne serait pas Dieu !

Pour Steinmann, cette situation est normale, parce que le christianisme officiel avec ses croyances dépassées n'est que l'inverse du messianisme léniniste :

Steinmann, page 168 :

"Le messie du communisme, lui est une gigantesque caricature du christianisme, l'envers du christianisme ... Et nous chrétiens, nous avons mérité cette caricature communiste, parce que nous avons trahi. Trahi l'espérance humaine, trahi les frères, empoché Dieu."

On notera l'importance accordée par Steinmann à Teilhard de Chardin, même si son support n'est pas utilisé directement. Les autres référents sont Gusdorf et Bergson, l'abbé Oraison et Renan.



Conclusion

Prions Dieu qu'Il nous libère complètement du renouveau catéchétique, biblique et liturgique de Congar-Steinmann. D'ailleurs, la libération est à l'oeuvre. Depuis, un Catéchisme de l'Eglise catholique [5], promulgué par Jean-Paul II, a remis les principaux points de dogme à la disposition des fidèles sans cacher tant la part de la Tradition que celle saintement apportée par le Concile Vatican II.

Benoît XVI a manifesté sa volonté qu'une liturgie eucharistique saine soit restaurée à côté du rite traditionnel, devenu par son Motu Proprio, Summorum Pontificum [6], rite extraordinaire de l'Eglise latine.



Notes

[1] Archevêque de Vienne nommé en 1956. Co-auteur notamment de "Open to God, Open to the World". Décédé le 13 mars 2004. Il est réputé par le parti progressiste, par exemple dans la revue Golias, comme un parangon des vertus progressistes, en opposition avec les conservateurs.

[2] En 2007, un archevêque français concédait à la presse la faveur d'un entretien. Questionné sur la pratique des catholiques, le prélat soulignait le changement de pratique religieuse depuis le Concile : "... les chrétiens d'aujourd'hui se contentent d'une assistance à la Messe hebdomadaire toutes les trois ou quatre semaines".

[3] Abbé Jules Claraz, "La faillite des Religions", Paris 1912. Aux Editions de l'idée Libre (Herblay) in La Bibliothèque du Libre Penseur.

[4] Joseph Colomb,
* Pour un catéchisme efficace, Tome I : L'organisation d'un catéchisme; Tome II : La vocation de catéchiste, éd. Vitte, 1948
* Aux sources du catéchisme. Histoire Sainte et liturgie, Tome I : Au temps de l'Avent : la promesse ; Tome II : De Noël à Pâques : la vie de Jésus ; Tome III : De Pâques à l'Avent : le Christ Glorieux et l'histoire de l'Église, éd. Desclée de Brouwer, 1949
* La doctrine de vie au catéchisme, Tome I : Vie nouvelle et nouveau royaume; Tome II : Combat spirituel et soucis de l'Église; Tome II : Portrait du chrétien et loi de charité, éd. Desclée de Brouwer, 1953 (Tome III 1954)

[5] lien

[6] lien