Raison et liberté. De Saint Pie VI à Benoît XVI
Philippe Brindet
29 janvier 2008

Dans un article précédent [1], j'ai étudié l'enseignement [2] du Pape Benoît XVI concernant un aspect du lien entre la raison et la liberté. Selon l'enseignement de Benoit XVI, la raison pour conserver la liberté a besoin d'un ailleurs et cet ailleurs est en Dieu.

Me revient à la mémoire un texte dont le titre est hélas mieux connu que le contenu. Il s'agit du Bref Quod Aliquantum [3] de Saint Pie VI, mort dans les prisons françaises. Ce Bref a été envoyé à un évêque français qui interrogeait Saint Pie VI sur le point de savoir s'il fallait adhérer à la Constitution Civile du Clergé édictée par l'Assemblée Législative de la Révolution des Lumières.

Dans Quod Aliquantum, Pie VI condamne à la fois la Constitution Civile du Clergé comme un abus inouï, jamais vu, et le principe de raison, détourné par une conception erronnée de la liberté.

On peut s'accorder aujourd'hui sur une certaine critique de l'enseignement de Saint Pie VI dans Quod Aliquantum dans la mesure où le Pape engage les catholiques à une obéissance à un régime qui va devenir l'Ancien Régime, rendant périlleuse l'implication politique et même culturelle des catholiques dans le nouveau régime. Il eut été préférable de ne pas obliger à l'obéissance à un ancien régime au prétexte d'illustrer le concept de raison chrétienne.

Mais, la représentation que Saint Pie VI fait de la raison chrétienne est étonnamment proche de celle que fait deux siècles plus tard le Pape Benoît XVI.

Ne se posant pas la question de la raison et de la liberté dans les mêmes termes que Benoît XVI, Saint Pie VI dans Quod Aliquantum se livre à une analyse moins claire et moins précise que celle de Benoît XVI. Mais il montre la même chose.

Saint Pie VI écrit :

"C'est dans cette vue qu'on établit, comme un droit de l'homme en société, cette liberté absolue, [...] qui accorde encore cette licence de penser, de dire, d'écrire et même de faire imprimer impunément en matière de religion tout ce que peut suggérer l'imagination la plus déréglée : droit monstrueux, qui paraît cependant à l'Assemblée résulter de l'égalité et de la liberté naturelles à tous les hommes. "
Ainsi, pour Saint Pie VI l'articulation du problème se trouve dans une conception déréglée de la liberté. Il poursuit :
"Mais que pouvait-il y avoir de plus insensé, que d'établir parmi les hommes cette égalité et cette liberté effrénée qui étouffe complètement la raison, le don le plus précieux que la nature ait fait à l'homme, et le seul qui le distingue des animaux. Dieu, après avoir créé l'homme, après l'avoir établi dans un lieu de délices, ne le menaça-t-il pas de la mort s'il mangeait du fruit de l'arbre de la science du bien et du mal ? Et par cette première défense ne mit-il pas des bornes à sa liberté ?"

Ainsi voit-on que Saint Pie VI précède Benoît XVI dans son analyse des rapports de la raison et de la liberté, arbitré par le discernement du bien et du mal qui exige rationellement l'intervention de Dieu, seul Puissance de discernement.

Méconnaître l'ailleurs de la raison qui est en Dieu et que dit Benoît XVI est réellement la cause de l'étouffement de la raison, don le plus précieux de Dieu à l'homme, que dit Saint Pie VI.

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Notes :
[1] Réflexions sur Spe Salvi - Raison et volonté, Philippe Brindet, 2008 <Lire>
[2] Encyclique Spe Salvi de Benoît XVI, <Lire>
[3] Bref Quod Aliquantum de Saint Pie VI, <Lire>